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 PAS D'OPPOSITION ENTRE LE MARKETING CLASSIQUE ET LE MARKETING PERSONNALISE 

Il faut toujours se méfier de nos raisonnements habituels qui reposent sur les dualismes apparaissant spontanément à l’esprit. Dès que l’on pense et que l’on dit quelque chose qui ressemble à : "ou bien, ou bien", on peut être sûr de partir dans la voie des "terribles simplifications".

Le marketing personnalisé ne fait pas exception à cette règle. L'on trouve des personnes qui en sont des championnes et d'autres des détracteurs absolus. Les uns disent : "Le marketing classique est mort, vive le marketing personnalisé. Le marketing personnalisé va nous sortir du Moyen Age dans lequel le marketing classique nous contraignait à vivre". Les autres : "Le marketing personnalisé n'a rien inventé, on a toujours fait cela, et de façon plus humaine".

Ce dualisme nous amène à penser que les deux formes de communication sont radicalement incompatibles. Mais cette opposition absolue ne correspond guère à ce qui se passe "réellement" dans les entreprises que nous avons interrogées, où toutes les formes de marketing semblent cohabiter le plus pacifiquement du monde.

Tout en introduisant un nouveau marketing, on garde également les anciennes habitudes. (Darty)

La pensée classique - et par classique nous entendons ancienne par rapport à une plus nouvelle - se préoccupe du client en général, comme un ensemble relativement homogène. Le marketing personnalisé cherche au contraire à traiter avec des clients individualisés. Comme le dit notre interlocuteur de Winterthur, la communication classique s’adresse à des personnes qui ont souscrit tel ou tel type de contrat, alors que le marketing personnalisé s’adresse à Monsieur Martin qui possède la boulangerie les Croissants d’Or.

Nous retrouverons avec plaisir tout à l'heure, cette sympathique famille.

Ces différentes visions du client cohabitent fort bien, car elles répondent à des demandes différentes, selon... les différents critères que nous allons examiner maintenant.

Le premier facteur qui engendre une certaine vision de la relation avec le client est le niveau hiérarchique de la personne qui s'exprime. Les gens de Siège pratiquent naturellement le marketing de masse, car ils manipulent des chiffres statistiques décrivant des ensembles de clients, et, éventuellement des catégories de clientèle. Les gens de terrain, eux, pratiquent depuis toujours. La communication personnalisée, car ils se trouvent en permanence face à des individus. Les vendeurs, les livreurs, ne rencontrent pas des unités statistiques, mais des gens en chair et en os, bien vivants, et qui ont des opinions, des besoins, des envies…

Il faut en fait dans notre métier être capable de combiner le mass marketing, car on a des milliers de prescripteurs, et le mieux marketing pour privilégier le moment ou l’instant de vérité, de la relation entre le visiteur et le médecin, où là c’est vraiment le médecin en lui-même qui compte. (Glaxo Wellcome)

Par contre là où c’est fondamentalement juste, la communication individualisée, c’est sur le point de vente, entre le vendeur et le client. (Fnac)

Oui, il faut connaître les clients, mais d’une manière différente si on raisonne Compagnie, ou Agent Général ; je travaille davantage sur des masses alors que l'Agent Général travaille avec des individus. (AXA Assurances)

Chez nous, le vendeur connaît individuellement le client, parce que quand les clients viennent, il est bien obligé d'adapter l'offre de l'entreprise à une attente clientèle. Quelqu'un qui vient acheter une télévision, ça peut être pour une télévision de complément, ça peut être une télévision pour laquelle on a attendu l'achat pendant deux à trois ans. Le vendeur dialogue avec le client, il connaît individuellement le client, sinon c'est un mauvais vendeur. Il n'y a pas que la fonction vendeur : le service après vente, la fonction de livraison sont nos trois fonctions principales. Les gens qui occupent ces fonctions chez nous ont une approche et une connaissance individuelle de chaque client, (Darty)

Quand on raisonne par rapport au point de vente, il est évident que là, on a beau être des grands distributeurs, on déploie de plus en plus des techniques de vente qui permettent d’individualiser la relation. (Carrefour)

Aujourd’hui, nos vendeurs lorsqu’ils ont la disponibilité, - et on va tout faire pour les rendre de plus en plus disponibles -, savent faire une réponse qui part des besoins clients et qui est individualisée. C’est surtout cela qui est important pour nous. (Fnac)

Le One to One, au niveau des vendeurs, ou des livreurs, est, d’une certaine façon, pratiqué depuis toujours dans toutes les entreprises. Nos interlocuteurs sont d'accord avec cela. Mais ces données, comme nous le verrons, sont rarement collectées par l’entreprise, et ne constituent que rarement, les bases de données nécessaires pour avoir le droit de prétendre à la noble appellation de marketing personnalisé.

Cette notion de hiérarchie se retrouve dans des organisations composées d’un organisme central, national, et de bureaux régionaux. Par exemple au Crédit Mutuel :

C’est un sujet à la mode, mais c’est un sujet qu’on fait un peu comme Mr Jourdain sans trop le savoir, depuis des années, la façon dont on est décentralisé déjà, le fait que là où nous sommes implantés, nous avons un réseau de proximité extrêmement dense, donc des relations individuelles et affectives entre le client et son chargé de clientèle. (Crédit Mutuel)

Notre ouvrage aurait pu s’appeler : du marketing des chiffres au marketing affectif. Il est vrai qu’il est assez difficile de se prendre d’affection pour des tableaux statistiques. Quoique !

Le deuxième facteur qui rend la connaissance individuelle du client plus ou moins importante est la taille de celui-ci, ou encore, sa part dans le chiffre d’affaire de l’entreprise. On peut fort bien ne pratiquer le marketing personnalisé que pour les clients les plus importants qu'on appelle parfois, avec le vocabulaire guerrier qui caractérise le marketing classique : le cœur de cible.

Le coût d'approche des petites entreprises est très élevé. Dans le même temps, la seule chose qui les intéresse est la logique de leur propre business. Celle-ci est souvent complexe et se discute au niveau des patrons ; ce qui suppose qu'ils considèrent que vous êtes un interlocuteur légitime. (France Télécom)

Si la loi de Pareto se vérifie souvent, il suffit de s’occuper, de façon personnalisée, des 20 % de nos clients qui font 80 % de notre chiffre. Pour les autres, le marketing de masse, avec ses mailings à peine personnalisés, reste parfaitement adapté.

Sans compter que les techniques de ce bon vieux marketing classique sont parfois assez pointues pour savoir frapper, dans un même message, plusieurs sortes de clients. Certes, on n’apprend pas à les connaître, mais à les toucher. Et, n’est-ce pas l'essentiel, l'objectif final ? Connaître, nous l’avons vu, n’est pas une fin en soi.

Quand on fait des communications de masse, on continue à cibler, c’est à dire, quand vous lisez un prospectus de Carrefour, vous devez trouver forcément à un moment une partie du prospectus qui vous concerne vous. (Carrefour)

Et si le client réagit au message,(à un moment du message), il passe une frontière : d'inconnu, il devient connu et se retrouve au sein d'un fichier client. Il sera dorénavant traité de façon plus personnalisée. Ce qui fait que les deux types de communication, non seulement peuvent cohabiter, mais encore s’entraider. Le marketing classique appâte le client, et quand celui-ci mord à l’hameçon et se dévoile, il devient une entité connue de l’entreprise qui le prend en charge de manière relationnelle.

La connaissance individuelle des clients dans Carrefour, ne peut exister que si les clients s'identifient. Nous avons plus de 8 millions de ménages clients. (Carrefour)

Il ne peut en être autrement, dans la mesure où l’essentiel dans le marketing personnalisé est la relation :

L’élément essentiel dans la relation du client avec le Crédit Mutuel, ce ne sont pas les produits et services, c’est la relation individuelle avec son chargé de clientèle. C’est pour nous quelque chose d’essentiel. (Crédit Mutuel)