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UN MEDIA NOUVEAU : INTERNET |
Parlons enfin de la grande nouveauté technologique, sans laquelle aucun marketing personnalisé ne pourrait aboutir : la toile mondiale, la grande araignée, le Web, Internet.
Nous ne traiterons pas de l'importance de ce nouvel outil dont on commence à peine à percevoir les avantages, et les inconvénients, mais noterons seulement les principaux propos de nos interlocuteurs. Nous avons choisi de les classer des plus pessimistes, aux plus optimistes. Tout en sachant que ce classement aurait pu être différent ; toutefois, nous pensons que, comme tous les autres outils technologiques, Internet sera, en grande partie, à l'image des hommes qui le dessineront.
C'est pourquoi, notre point de vue, est simple : il faut y aller, sans dégoût et sans enthousiasme, en évitant les pensées extrêmes du type : "C'est génial et ça va changer la vie" ou, au contraire : "Gadget déshumanisant qu'il faut rejeter". Il faut y aller, car c'est à nous tous d'en faire un média à la fois utile et agréable, et de lui assigner une place parmi les autres médias.
Les propos de nos interlocuteurs sur Internet sont très mitigés, encore assez méfiants, quand ce n'est pas carrément hostiles. A part exceptions, on préfère attendre en considérant que c'est un média encore immature.
Un comportement fréquent est exprimé par l'un d'entre eux. Nous résumerons ce comportement par l'expression bien connue : "Internet, parce que je le vaux bien".
On a mis en œuvre ce serveur web, alors que c’est pas rentable pour nous, mais on a voulu être présents maintenant pour ne pas être les derniers, mais aussi pour apprendre à utiliser ce média et commencer à capter des éléments. C’est un processus d’apprentissage. Internet sera sûrement un mode de contact et de relation individuelle qu’on ne mesure pas très bien. (Pierre et Vacances)
Pourquoi aller sur Internet, puisque aujourd'hui cela fait encore trop peu vendre. Le commerce électronique n'est pas encore une habitude chez la plupart de nos interlocuteurs à part deux ou trois d'entre eux que nous évoquerons tout à l'heure.
Le seul problème, il y a peu de ventes qui se font par Internet et le profil des internautes est assez jeune. Nous on s’adresse à des clients qui ont 35-40 ans avec famille et ils ne sont pas des fanas d'Internet. (Pierre et Vacances)
Et si demain les circuits qu’on appelle aujourd’hui émergents ou parallèles du commerce traditionnel que sont le commerce télématique ou électronique ou des choses du même genre se développent, très vite ce sera trusté par la grande distribution. (Bahlsen)
Autre grief : Internet est néfaste à l'individu qui reste solitaire devant sa machine :
Les limites de l’outil c’est qu’à un moment donné, on va se sentir tout seul : de plus en plus travailler chez soi de façon efficace, il suffit de se raccorder, c’est génial, mais d’un autre côté on va perdre totalement le contact avec ce qui fait que l’homme est homme : c’est un animal social. (Heineken)
Cette critique est à considérer même pour les internautes de loisirs ; et l'on est en droit de se demander, si le fait de dialoguer en direct avec des individus du monde entier, n'aggrave pas encore notre sentiment de solitude.
A partir de là, on a un comportement sur Internet qui est un comportement d’abord individualiste, parce qu’on est seul devant sa machine. Prêter sa machine est très difficile, les gens ont peur qu’on leur scratche leur fichier… c’est un des freins de l’utilisation d’Internet au niveau de la famille ou de l’ordinateur familial. Un membre se l’approprie et refuse souvent que les autres aille dessus. (Grolier)
Internet, une drogue ? Je te prête ma voiture, mais pas mon Web.
Bref, Internet apparaît à certains comme un concurrent des autres médias, et particulièrement de la relation face à face. En cas de lutte fratricide, ce serait cette dernière qui aurait les faveurs de nos interlocuteurs.
Je crois que dans cinq à dix ans, le contact face à face sera toujours privilégié je crois que tant que la visite médicale existera toujours, elle sera toujours aussi soumise à des contraintes réglementaires et de législation, ça c’est certain, mais ce sera le média le plus utilisé pour l’information du corps médical, ça c’est clair. (Schering)
Nous on est persuadés qu’il n’y a rien qui prendra le dessus sur la relation humaine. (Fnac)
Mais in fine, quand les gens auront le choix entre un canal où peut s’installer une relation humaine et une rencontre et un partage sur nos produits, et puis un canal plus déshumanisé, on sait très bien qu’ils choisiront toujours le canal du partage. Nous, nous croyons à la rencontre des hommes et des générations. (Fnac)
Bref, nous retrouvons, presque vingt ans après, les mêmes critiques que les mêmes personnes adressaient au Minitel. Et, non sans raison. Lui aussi, devait révolutionner les rapports humains, et qu'a-t-il changé ? Cette remarque nous rappelle le message de Dominique Wolton, selon qui aucune technologie n'a jamais rien révolutionné (*), puisque les hommes ne changent pas en même la nature de leurs relations. Internet, de façon pragmatique, c'est un nouveau média, quantitativement plus grand que tout ce que nous avons déjà vu ; en tant que tel, il prendra sa place parmi les autres médias, mais ne les remplacera pas.
Je crois très peu à l'Internet, comme je croyais très peu au Minitel quand il s'est installé en tant qu'outil marketing. Je crois que cela ne remplacera jamais le contact humain, la relation entre individus. Le système Internet ne pourra qu'être complémentaire. De plus, il nécessite un investissement temps que les utilisateurs n'ont peut-être pas. (Schering)
(*) A l'heure où nous écrivons ce texte (mars 1999) Dominique Wolton sort un nouveau livre qui traite de ce sujet dont le titre est : Internet, et après ? Il est dit sur la quatrième de couverture "qu'il ne faut pas confondre progrès technique et progrès dans la communication, humaine".
Il y avait déjà le Minitel, demain il va y avoir Internet. Sans être vieux jeu, je crois qu'il n'y a pas urgence, ce n'est pas demain matin que l'essentiel de notre clientèle va souscrire un contrat par Internet. Néanmoins, il faut très vite y être présent, ne serait-ce que pour affirmer notre image.
Notre dilemme est le suivant : oui aux techniques les plus modernes, mais au service de notre réseau d'Agents Généraux, pas en remplacement ! Le jour où vous avez un problème, vous êtes bien content d'avoir un interlocuteur qui puisse le régler… Et puis, si l'Agent Général n'avait pas son utilité sur le marché, il n'y en aurait plus depuis bien longtemps. (AXA Assurances)
En fait, même quand notre profession nous amène à nous servir quotidiennement d'Internet, et même quand notre métier consiste à vendre Internet, on reconnaît l'aspect immature du Web. Internet, n'est pas fini, et ne sera probablement jamais fini, car, tous les jours les internautes travaillent à le faire évoluer :
Globalement, Internet est encore un média extrêmement immature. Dans 5 à 10 ans, il sera mature ; vous n’aurez plus la même chaîne hi-fi, vous aurez une platine sur laquelle il y aura un navigateur qui ira chercher sur 4 à 5 boutiques mondiales de disques pas plus, téléchargera un extrait en quelques secondes, et si cela vous plaît, vous téléchargerez une partie de la discographie du chanteur. (Fnac)
Autre inconvénient d'Internet pour certaines professions, notamment les professions particulièrement surveillées, comme l'industrie pharmaceutique :
Aujourd'hui sut Internet, on peut envoyer n'importe quelle information, laquelle peut ne pas être vérifiée, ni même être vérifiable. Comment concilier cette liberté d'informer avec la réglementation stricte pharmaceutique ? Personne, en l'absence de législation, ne le sait.
Aujourd'hui, ce media est un média qui peut être extrêmement dangereux et donc peu utilisé dans l'industrie pharmaceutique en dehors des généralités que l'on trouve dans les adresses des firmes pharmaceutiques. (Schering)
Autre inconvénient d'Internet, comme tout nouveau média dans lequel nombreux sont les exploitants à y mettre le plus d'informations possibles, Internet souffrira vite, s'il ne souffre pas déjà, d'embouteillage. Et nous savons que trop d'informations ressemble beaucoup à pas d'information du tout :
Le problème, c’est qu’on croule sous l’information et la communication, et c’est relativement déshumanisé : un cc-mail c’est bien, hyperpratique, mais à un moment donné l’homme veut une relation humaine parce qu’il est homme. (Heineken)
C'est techniquement exact, mais l'homme qui rentre dans une grande librairie ne souffre-t-il pas aussitôt d'une sensation de "trop", n'est-il- pas aussitôt malheureux en regardant tous ces livres qu'il ne pourra lire, ces disques qu'il ne pourra écouter ? N'est-ce pas de nos jours un sentiment quotidien que de souffrir d'excès de choix ? Et quand la carte au restaurant est trop variée, on a du mal à choisir son plat. Mais, le restaurateur n'est pas pour autant fautif. Nous ne sommes plus à l'époque où l'on cassait les machines, sous prétexte qu'elles asservissaient ou remplaçaient les hommes. Quoique ! Il nous appartient d'exercer notre esprit critique, et notre pouvoir de décision, en n'allant voir sur Internet que les sujets qui nous intéressent. Au fur et à mesure qu'on se sert de l'outil, on y est et on s'y sent de moins en moins perdu.. On trace son territoire, on possède vite une carte personnelle de nos randonnées préférées.
Donc, Internet, comme outil complémentaire, dès aujourd'hui, des autres outils mis à notre disposition.
Mais par contre Internet pourra être un canal de complément pour certains produits, voire un canal important sur certains produits. On est en train de développer Internet pour mettre en avant nos produits, et il y a une série d’informations qu’on peut capter individuellement sur chacun des clients. (Pierre et Vacances)
L'avantage que personne ne semble contester à Internet est d'être interactif. Et, n'a-t-on pas dit tout au long de ce livre, que le marketing personnalisé, à l'inverse de son aîné, le marketing classique, consistait à dialoguer avec les clients. Donc, a priori, il semble impossible de mettre en place des bases de données ainsi qu'une nouvelle relation avec les clients, sans faire appel, d'une façon ou d'une autre à ce grand outil.
Quelques idées de l'interactivité d'Internet :
Je ne suis pas un fana d'Internet, mais c’est un outil tellement riche, tellement interactif, qu'il va nous aider à résoudre plus rapidement divers problèmes de personnalisation. (Banque Directe)
Beaucoup sous-estiment le web : c’est pourtant un outil de communication et de traitement de données extrêmement performant qui peut changer toute notre interaction à l’intérieur d’un marché. (Banque Directe)
Par exemple, si on regarde le marché de l’immobilier, aujourd’hui, si quelqu'un veut s’informer sur les crédits immobiliers et les taux en application dans les différentes entreprises, il faut faire le tour, appeler tout le monde, aller dans les agences...mais il n’y a pas vraiment de transparence dans ce marché. L’offre, le taux vont dépendre des conditions spécifiques des clients ou de la relation qu’a le client avec la banque. Il y a un modèle un peu différent par rapport à ça, par exemple aux USA, où l'on ne part plus d’une offre affichée par les fournisseurs, mais des besoins du client : il remplit un formulaire sur son écran en disant voilà ce que je veux, un prêt à taux variable, sur 15 ans, ....., et puis sur la base de cette fiche d’identification des besoins du client, l’ordinateur se charge d’aller regarder parmi tous les fournisseurs reliés à ce service de trouver le meilleur taux pour le client. En général il en trouvera 3, puis ce sera au client de choisir. (Banque Directe)
C’est un peu nos inhibitions par rapport à Internet. Internet, ça nous intéresse si on peut garder un peu d’humanité. J’ai testé cette valeur humaniste de la FNAC sur Internet, sur un auditoire très large de 500-600 personnes et je leur ai dit, on est sur Internet, on écoute, mais il va falloir que les valeurs FNAC s’appliquent sur Internet pour qu’on ait vraiment envie d’avancer. Ils ont très fortement et positivement réagi. (Fnac)
Il faut rentrer dans une interactivité : la force d'Internet c’est que par un système intelligent, on peut commencer à avoir une interactivité personnalisée. (Darty)
Je crois très fort à Internet, peut être pas sous sa forme actuelle, mais au moins sur cette notion de rester chez soi, ça va être fabuleux, on va vers une plus grande décontraction par rapport à ces choses là, de réponse immédiate par rapport à une question posée, les acteurs vont être de plus en plus confrontés à ça. (American Express Bank)
Avec Internet, le client peut faire à tout moment des suggestions, poser des questions, faire des réclamations. Le client vient vers le fournisseur :
Avec Internet, on a un résultat étonnant, c'est que les clients nous font des suggestions. Nous les ventilons vers les chefs de produits concernés ou vers la direction des ventes ou vers le service après vente. (Darty)
Ca inverse complètement la relation entre le fournisseur et le client. C’est une conséquence directe du web. (AXA Assurances)
Il doit y avoir une relation de confiance avec le client, c’est pour cela que le système du web est intéressant parce que c’est le client qui pilote en fonction de là où il veut aller. (Banque Directe)
Un de nos interlocuteurs va encore plus loin, dans le rôle actif des clients, dans l'avenir, grâce à Internet :
C'est aussi au consommateur de s'adapter aux nouvelles technologies d'achat. Ils influencent la stratégie commerciale d'une société, en étant les acteurs et les décideurs du commerce de demain. (Leclerc)
Il faut toutefois que les entreprises aient conscience que tout nouveau média possède son propre langage et son propre mode d'emploi. Si Internet est aujourd'hui immature, c'est en partie dû au fait que les utilisateurs cherchent à y retrouver les habitudes qu'ils ont prises auprès d'autres médias, et qu'ils n'ont pas encore pris la mesure des voies nouvelles que ce nouvel outil permet de tracer.
Mais la manière de s’adresser c’est différent sur e mail on va taper des choses c’est plus rapide c’est plus direct, plus convivial (Cnp)
Bref, à la question sur l'avenir, tout le monde ou presque s'accorde pour faire une place royale à Internet :
Les relations avec les consommateurs vont changer, particulièrement avec les internautes. Le taux d'équipement des foyers français n'étant pas encore élevé, le commerce sut Internet laisse de belles perspectives pour le "One to One". Les sites Internet doivent être pertinents dans leur offre et d'une utilisation conviviale. (Leclerc)
Ce qui est sûr, c'est que, pour en revenir à notre premier thème, Internet est bien l'outil idéal pour mettre en place un One to One efficace.
En l’occurrence le positionnement qu’on a pris sur Internet était de créer un media relationnel. Nous on a pris clairement un positionnement One to One dans le sens où nous considérons aujourd’hui qu’Internet est un média de marketing direct, et pas un mass média comme la télévision ou la presse. (Grolier)
Pour conclure ce chapitre, rapellons qu'Internet ne sert à rien si l'ensemble de la structure n'a pas pris l'habitude de s'en servir, et surtout la partie du personnel qui côtoie tous les jours les clients. Car grâce à Internet, on peut aller tous les jours regarder ce que les clients nous disent ; mais encore faut-il avoir prévu de leur répondre aussitôt. Donc, pas question de promouvoir Internet dans une entreprise, sans une promotion interne auprès des vendeurs, distributeurs, ou des magasins et de l'ensemble du personnel.
Les nouvelles technologies font parti de nos développements et de nos préoccupations. Les groupes d'indépendants comme le nôtre, doivent se préoccuper du commerce électronique afin d'être présents sur des marchés porteurs. Le marketing One to One prendra toute sa dimension grâce à l'évolution technologique. (Leclerc)