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VERS UNE RELATION PURE ENTRE L'ENTREPRISE ET LE CLIENT |
A la question : et demain ? nos interlocuteurs se partagent entre trois opinions de base.
Tout d'abord ceux qui disent : on ne sait pas. Voici un exemple pris dans l'industrie pharmaceutique, secteur particulièrement dépendant des humeurs plus ou moins belliqueuse de nos gouvernants.
Ce que vont devenir les relations dans cinq à dix ans, c'est du niveau marc de café. (Janssen Cilag)
Ensuite ceux qui pensent, et c'est la quasi totalité des personnes interrogées, que les entreprises continueront à investir pour connaître leurs clients de mieux en mieux.
La connaissance du client remplacera progressivement la notion, appartenant au marketing classique, de ciblage :
La notion de ciblage qui est très importante aujourd'hui, elle le sera peut être moins (American Express Bank)
Le chemin ne sera pas facile pour autant :
On est complètement convaincus que c’est le sens de l’histoire, mais on a pas encore trouvé la voie pour le faire de manière rentable. (Pierre et Vacances)
Mieux connaître les clients, cela ne signifie pas seulement savoir le plus de choses possibles sur eux, les avoir emmagasinées dans de gigantesques fichiers, cela signifie surtout plus de relations concrètes avec eux, plus d'interactions humaines :
Nous sommes à une époque de grands changements dans l'industrie des services et particulièrement lorsqu'une partie du produit que les clients achètent tourne autour de l'interaction humaine. (Air Liberté)
Nous irons de plus en plus loin dans la connaissance intime de nos clients sur un champ de plus en plus large, c'est à dire sur l'ensemble de l'offre France Télécom, le téléphone, le mobile, les services d'information, Internet, la télévision. On a encore beaucoup de chemin à parcourir pour coller à l'attente de nos clients et la satisfaire. (France Télécom)
Pour réussir ce pari, et il en va de la survie des entreprises, semble-t-il, les technologies modernes paraissent indispensables. On se méfie encore beaucoup aujourd'hui d'Internet, mais on s'accorde assez majoritairement pour penser que l'importance de ce nouveau média ira croissant dans l'avenir.
On travaille sur l'évolution des nouvelles technologies Internet... on doit être présents, ça fait partie d'une évolution ou il y a beaucoup de potentiel. Dans 10 ans on pourra vraiment peser le volume de trafic effectué entre nos consommateurs et cette nouvelle technologie, à 5 ans, c'est prématuré car même si les ventes de micro informatique aux ménages français battent leur plein, on va moins vite que d'autres pays, c'est peut être culturel. Avant 10 ans, avec ces nouveaux outils, il va falloir être pertinents, professionnels et intéressants pour que les relations entre distributeurs et consommateurs internautes soient efficaces et conviviales. (Leclerc)
Donc, ensuite, une idée-clé du changement tourne autour d’Internet et du commerce électronique. (Oracle)
D'autant, nous l'avons vu que le client sera de plus en plus expert :
On est de plus en plus en face d’un consommateur expert. Il faut donc nécessairement le conseiller l’orienter et répondre réellement à ses demandes d’expertises précises. (Carrefour)
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Quelle sera notre conclusion après ce rapide tour d'horizon des idées et pratiques de quelques managers français ? Pour rester classique, et en accord avec les habitudes rhétoriques, nous l'établirons en trois points.
Premier point : la communication produit vit ses dernières décennies. Elle disparaîtra progressivement au profit d'une communication de plus en plus directe entre les entreprises et leurs clients. Il restera quelques exceptions ; par exemple, les produits à implication affective quasi nulle, telle la brosse à dents par exemple que nous évoquions plus haut. Mais, aussi les rares produits qui apparaîtront aux yeux de tous comme authentiquement révolutionnaires. Quand le produit est bon, on n'a pas nécessairement besoin de câliner les clients.
En même temps la terminologie guerrière qui caractéristique la communication classique, disparaîtra au profit d'une terminologie plus conviviale. Le client ne sera plus la cible qu'il faut à tout prix viser, atteindre, capturer, mais une relation à entretenir. La position dominante qui est celle des entreprises vis-à-vis de leurs clients, se transformera en une position égalitaire. Le client sera un alter ego, de plus en plus écouté et respecté. C'est pourquoi nous voyons dans notre boule de cristal, à côté de la fonction ventes, se créer des fonctions nouvelles dans les entreprises dont la mission essentielle sera l'amélioration permanente des relations avec les clients, des fonctions dont l'une des missions sera de créer des services nouveaux aux clients.
Rêvons un instant… Nous verrons EDF GDF (qui ne s'appellera plus comme cela), nous offrir des services multiples, des voyages, des cadeaux ; France Télécom aussi. Et tous ces fonctionnaires, des impôts ou de l'Urssaf, dont le rôle principal semble être celui de nous martyriser, nous récompenseront enfin de notre fidélité. Ces compagnies, devenues dynamiques, et à l'écoute, non plus des assujettis que nous sommes mais des clients que nous serons devenus, nous inviteront à des soirées, nous enverront des billets de spectacles, et en outre (continuons de rêver !) nous recevront aimablement dans leurs bureaux repeints à neuf et fleuris à souhait, en nous offrant un verre de champagne, ou en nous remboursant la différence quand nous aurons trouvé des pays (et ce n'est pas difficile) où l'on paye moins d'impôts et taxes diverses.
Le deuxième point est que le client sera connu, en tant qu'individu, de toutes les entreprises d'une certaine taille, et connu de façon de plus en plus intime.
Dans mon approche , le " One to One ", c’est le point d’arrivée, l’objectif ; on veut tout mettre en œuvre pour y arriver. Dans 5 à 10 ans la relation avec les clients va changer et le web est le lieu où ça prendra forme le plus rapidement. (Banque Directe)
Dans 5 à 10 ans, je crois rêver, on va se retrouver devant des milliers de clients qu'on aura suffisamment segmentés pour pouvoir quasiment s'adresser à eux comme à un individu, je le vois comme cela. (American Express Bank)
On saura tout du client, tout c'est-à-dire, nous l'avons vu : ce qu'il pense, ce qu'il dit et ce qu'il fait.
On saura bien sûr ce qu'il mange, où il va en vacances, comment il drague, mais aussi quelles sont ses convictions politiques ou religieuses, et comment il parle, quel est son vocabulaire et ce que tel ou tel mot signifie pour lui. En tout cas, certaines entreprises en arriveront là, et ce sont elles qui gagneront la course au plus rapide à se sortir de l'embouteillage. Cette situation n'ira pas sans danger ni sans risque de dérapage, mais cela nous semble inévitable. Justement grâce ou à cause des technologies modernes qui continueront leur course folle vers des produits de plus en plus sophistiqués.
Le troisième point concerne les changements dans l'entreprise ; il est pour nous évident, que l'approche client aura, comme effet secondaire celui de diminuer, d'une part le nombre de services différents des entreprises, d'autre part le nombre d'échelons hiérarchiques, et en même temps, une certaine mentalité détestable dite de "petit chef".
Satisfaire les clients deviendra, non seulement le credo commun, mais encore une nécessité vitale pour les employés de l'entreprise qui seront jugés de plus en plus sur ce critère, peut-être avant tous les autres. Les services qui s'opposent encore souvent, services commerciaux contre services financiers, services des ventes contre services marketing… serreront les rangs face aux clients, et regardant tous dans la même direction, finiront par voir la même réalité.
Et, comme tout le monde aura accès aux informations les plus importantes, celles émanant des clients, les différences hiérarchiques s'estomperont. On ne change pas les mentalités par décret, mais on peut rapidement changer les comportements : il suffit de changer le contexte qui a fait naître un certain comportement pour que celui-ci disparaisse. Les cadres continueront un certain temps à garder sous le coude les informations qu'ils croiront importantes, en confondant information et pouvoir ; jusqu'au moment où ils en seront pénalisés.
Bref, les fonctions d'une entreprise seront redéfinies, dans le cadre du nouveau contexte. Tout le personnel aura finalement les mêmes fonctions, et peu importera comment on les appellera : marketing, ventes, communication ou relations…
Notre vie est une succession de créations d'intérêt, c'est du marketing et de la vente en permanence. Ceci est bien sûr exacerbé dans la vie professionnelle et c'est, à mes yeux, ce qui représente l'essentiel de nos activités. (Schering Plough)
Les entreprises, en même temps, prendront partie dans des problèmes de société comme on les apelle aujourd'hui : l'environnement, la santé, la pauvreté… C'est déjà ce que fait Leclerc. Qui n'a pas vu le sac plastique à l'enseigne Leclerc ?
En conclusion, on peut affirmer, sans tomber dans l'utopie, que les entreprises continueront à inventer de nouveaux modes relationnels avec leurs clients, et, au delà, avec l'environnement de leurs clients, qui leur paraîtront de plus en plus "intimes", de plus "amicaux" (les parenthèses étant ici pour indiquer qu'il ne faudra pas être dupes et se méfier des manipulations).
On verra fleurir des actions apparemment désintéressées, des relations "pures". Le vendeur ira voir son client, "presque" seulement pour savoir comment il va ? En tout cas, il apprendra à vendre autre chose que des produits ou des services. Les méthodes de vente traditionnelles tomberont en désuétude.
Il ne faudrait parler de nos produits que lorsque nous connaissons les besoins de nos clients. Il faudra donc plusieurs contacts avec le médecin pour cerner du mieux possible ses attentes, avant de lui transmettre un message de vente adapté à ses besoins. (Schering Plough)
C'est un recul des pratiques du type "pied dans la porte", mais, n'a-t-on pas abusé ces dernières décennies des techniques de manipulation auprès du client ?
On a parfois été vite et trop loin, on a contribué nous mêmes à complexifier les systèmes de décision des consommateurs avec une multitude d'offres, d'alternatives et de messages. Les gens d'aujourd’hui, face à cette complexité qui les dépasse parfois souhaitent revenir à des choses simples, claires, authentiques, et puis voilà. (Bahlsen)
Enfin, au delà de l'intérêt des entreprises de révolutionner rapidement leur mode de pensée, et leur mode d'action envers le client, qui est, et restera celui qui les fait vivre, cette nouvelle communication les revalorisera au yeux du public, comme du gouvernement. Laissons le mot de la fin à Pierre Verstraete de Schering Plough :
Le concept de valeur ajoutée prend dans notre société de plus en plus d'importance notamment dans la recherche d'une meilleure qualité de vie. Mais il ne s'agit plus de la valeur ajoutée du produit selon le vendeur, mais de la perception de cette valeur ajoutée par le client. En ce sens, les laboratoires pharmaceutiques performants dans le futur seront ceux dont les nouveaux produits répondront à des besoins bien définis de santé et de qualité de vie et c'est en cela que l'industrie pharmaceutique sera de plus en plus considérée comme un véritable partenaire de santé publique. (Schering Plough)