Le
Médicament, malade de sa communication
Chapitre 3 : Demain, le grand chambardement
(premier extrait)
Comment sortir du raisonnement quantitatif ?
Quand un système de communication repose essentiellement
sur des principes quantitatifs, les tentatives de solutions que l'on
essaye, à l'intérieur de ce système, ne peuvent être également de nature
quantitative.
L'avantage du quantitatif est d'apparaître facile à définir et à contrôler.
Tout le monde sait ce que signifie le quantitatif. Tous les laboratoires
possèdent les mêmes tableaux chiffrés, les mêmes études de vente, d'impact,
et autres tests permettant la mesure de leurs efforts.
On peut demander aux visiteurs de "faire plus de contacts",
de passer plus souvent voir certains médecins, on peut leur demander
de faire des visites plus longues, on peut louer un deuxième réseau
prestataire pour présenter un produit et mesurer le gain.
A l'aide des tableaux GERS, où les chiffres de vente en pharmacie sont
détaillées par arrondissements, on peut suivre l'impact et l'efficacité,
de l'argumentaire ou du visiteur; cela dépend de la personne qui regarde
les résultats.
Il est souvent de bon ton de décrier le quantitatif, mais il possède
au moins deux mérites incontestés : être facile à comprendre et à mettre
en oeuvre, et servir de justificatif au travail de ceux qui instaurent
ce système. Le quantitatif est d'autant plus confortable, qu'il est
souvent érigé en système explicatif : on vend plus parce que l'on a
travaillé plus, plus fort, plus vite, plus longuement...
Cependant, comme John SCULLEY a dit (cité par Mac Kenna) : "aucune
grande décision de marketing n'a jamais été prise sur des données quantitatives".
Il est de bon ton, généralement, de critiquer le quantitatif en lui
opposant les bienfaits du qualitatif.
Mais, c'est un peu comme si on opposait un être réel à un fantôme. Car
personne ne sait exactement ce qu'il faut entendre par qualitatif. Notre
cerveau occidental, toujours dualiste, nous fait dire quantitatif versus
qualitatif, alors que, selon nous, il s'agit là de deux notions sans
rapport entre elles, et, de plus, nullement exclusives.
Pour les uns, "faire du qualitatif" consisterait à "mieux
soigner" les médecins : faire des bonnes visites, plutôt que des
visites nombreuses. "Moins de visites, mais des visites de qualité",
entend-on souvent dire. Ce qui est ne rien dire. On ne fait là que déplacer
l'interrogation car alors il faut se demander : que signifie "de
bonnes visites"?
Pour les labos, cela signifie quelque chose qui doit ressembler à "des
visites qui font prescrire"; pour les médecins, cela doit ressembler
à "des visites à la fois instructives et sympas"; et, pour
les syndicats (ou pour le Ministère), cela doit ressembler à "des
visites savantes et objectives". Pour d'autres encore, cela doit
vouloir dire, "des visites décontractées". Le sens des mots
étant un sujet que nous aborderons au chapitre 4, nous n'en dirons pas
plus ici.
Qu'en sera-t-il demain ?
Pour nous, il est clair que la vente des médicaments s'inscrira demain
dans un schéma non-quantitatif, que nous appelons ici, schéma cyclique.
Ce nouveau système ne connaîtra pas l'opposition quantitatif-qualitatif.
La visite médicale de demain, la communication du médicament de demain,
sera "qualitativement quantitative".
La visite médicale de demain respectera l'axiome de la relation et du
contenu.
Il est évident qu'une visite satisfaisante se doit de comporter un minimum
de contenu sur les médicaments et leur environnement, contenu demandé
par le médecin, ou, parfois, imposé par le visiteur. Mais, il est tout
aussi évident que ce contenu doit s'inscrire dans une relation radicalement
différente de celle que nous connaissons actuellement.
Nous disons : tant que les laboratoires pharmaceutiques accepteront
l'idée d'être représentés par des individus à sacoche, qui doivent attendre
des heures dans le cabinet des médecins, pour y débiter - quand ils
sont reçus - la dernière trouvaille du nouveau chef de produit génial,
sans s'occuper de savoir si cela intéresse ou non le médecin, sans s'occuper
de savoir si le médecin connaît ou non le médicament, pour y dégorger
les avantages de son produit par rapport aux "vilains concurrents",
nous disons, que les laboratoires arriveront vite au bout de l'impasse.
Et il vaudrait mieux qu'ils cessent d'accélérer.
Actuellement les laboratoires, ou plutôt leurs dirigeants, peuvent se
ranger en trois catégories, pour faire simple.
Ceux qui refusent de voir le problème posé par le mythe du quantitatif,
et qui continuent à penser que plus on investit, plus on récolte. Ceux-là
refusent encore d'admettre que la nature de ce qu'on récolte est plus
importante que la lourdeur du sac à provision.
Ceux-là peuvent être considérés comme déjà morts et enterrés, car s'ils
ne meurent pas de l'évolution naturelle de leur maladie, le Ministère,
quel que soit son obédience politique, se chargera de les liquider.
Une deuxième catégorie de laboratoires, est consciente qu'il faut s'échapper
des raisonnements purement quantitatifs. Ils font des tentatives d'issue
de secours, du type : "soyons qualitatifs". Ils cherchent
- et trouvent - des opérations de relations publiques, engagent des
visiteurs "au look" différent, inventent des originalités
de communication conseillées par les publicitaires, toujours friants
d'accélérer les processus de pourrissement, organisent des "bouffes"
ou des voyages onéreux à l'étranger "avec Madame". Tentatives,
appels au secours, mais point de solution; souvent ces tentatives, paraissent
aux yeux courroucés des moralistes de tout poil - à commencer par ceux
du Ministère -, comme des "achats de prescription".
Une parenthèse ici est nécessaire : nous sommes, et cela depuis toujours,
résolument contre toute forme d'achat de prescription des médecins,
que ce soit de la simple bouffe jusqu'au voyage en Chine, en passant
par toute forme d'aide à l'équipement, nous sommes contre toute forme
"d'arrosage", mais non pas pour des raisons morales; simplement
parce que ces méthodes ont le double inconvénient de donner une mauvaise
image de ceux qui les pratiquent et d'être inefficaces.
Les laboratoires ne savent pas sortir du système quantitatif, car il
ne savent pas remettre en question les fondements mêmes de leur pensée.
Palo Alto dirait qu'ils ne savent pas recadrer.
Tant que les dirigeants des laboratoires croiront que pour faire prescrire
un médicament, le seule solution possible est de créer un argumentaire
qui vante les qualités du produit comparé aux concurrents, qu'il est
obligatoire d'aller voir les médecins le plus souvent possible, selon
des cycles réguliers; tant qu'ils croiront que c'est avec des arguments
rationnels que les médecins seront convaincus, et qu'il est secondaire
de connaître les opinions et les soucis quotidiens des médecins; bref,
tant qu'ils croiront que leur communication doit ressembler à des monologues
centrés sur le produit, et non pas à des dialogues centrés sur le médecin,
il ne sortiront pas de la cage dorée du système quantitatif et linéaire.
Une troisième catégorie de dirigeants est en train d'apparaître "sur
le marché". Ceux-là ont compris qu'il faut faire table rase "dans
sa tête", qu'une révolution mentale est nécessaire rapidement,
laquelle nous donnera les moyens intellectuels de créer un système de
pensée radicalement nouveau.
Le quantitatif ne peut conduire qu'à l'embouteillage, et l'embouteillage
à l'immobilité totale, comme on voit aux carrefours des grandes villes.
Autrement dit, le moment est bientôt venu dans le pharmaceutique où
un investissement supplémentaire, non seulement n'apportera plus aucun
gain, mais fera même perdre de l'argent. Les moteurs patinent déjà,
et bientôt caleront.
L'embouteillage est un bien curieux phénomène, passionnant sous maints
rapports, où l'on voit une belle illustration des principes de Palo
Alto. L'on voit des automobilistes, - et on veut bien croire que chacun
pris séparément, soit un individu intelligent -, se comporter de la
façon la plus stupide qui soit, en resserrant encore plus le nœud dans
lequel ils sont pris. Comme on voit ces prisonniers, pris de rage, resserrer
encore plus les menottes qui leur serrent les poignets. Chacun avance
de quelques millimètres, persuadé en fait, et non sans raison, que s'il
laissait libre ces petits millimètres, un autre automobiliste en profiterait
pour les lui ravir. C'est une façon pragmatiquement stupide de pratiquer
la politique des créneaux.
Dans ses livres, notre ami P.WATZLAWICK, nous montre comment nous avons
l'habitude de vouloir desserrer les nœuds, - par exemple résoudre des
problèmes du type de l'insomnie -, en tirant dessus au lieu de chercher
à le défaire. Plus je me dis : "il faut que je dorme", plus
je m'éveille, car, comme l'a si bien dit le Philosophe ALAIN, le sommeil
c'est le désintérêt, le laisser-aller.
Les automobilistes savent bien, dans le fond (dans le fond de quoi,
au fait ?), que la solution à un carrefour complètement bloqué, est,
momentanément, de ne pas avancer. C'est pourquoi, dépourvus d'un mécanisme
auto-régulateur, du type "discipline collective", ils en viennent
à appeler désespérément au secours les agents de police habituellement
maudits. Lesquels, c'est bien connu, ne sont jamais là quand on les
attend, puisqu'ils "sont toujours là quand on les attend pas."
(chanson ancienne).
Quitter le schéma en forme de nœud de la communication linéaire, cela
signifie, pour les laboratoires, commencer par faire "moins de
la même chose". La solution, nous en sommes convaincus, passe par
moins de visiteurs, moins - ou pas du tout - de publicité, des visites
à la demande du médecin et en fonction de chaque cas...
Quand on raisonne à l'aide des prémisses linéaires, et quantitatives
de la communication, faire "moins de la même chose", c'est
inévitablement, perdre de l'argent. Les laboratoires incapables de concevoir
une autre façon de penser, se trouvent contraints de chanter la complainte
des ordonnances infidèles. Ils ont peur devant une situation où les
interdits de fonctionner quantitativement s'accumulent : baisses de
prix autoritaires, médicaments déremboursés, impôts et taxes sur toute
action promotionnelle.
Devant la situation dramatique du type : "Docteur, on a rétréci
nos budgets", ils se trouvent devant un problème quasi-insoluble
: comment vendre autant, avec des moyens réduits ? Cette question n'a
pas de réponse satisfaisante dans le système de communication classique.
Mais nous sommes convaincus que, bientôt, quelques entreprises sauront
comment désembouteiller les communications trop nombreuses, en acceptant
de faire moins, tout en faisant autrement.
A condition de le faire savoir, haut et fort, au corps médical.
En même temps, la solution passe par l'abandon définitif de tout désir
de convaincre, par l'abandon définitif de tout comportement de vente,
et de toute technique de marketing classique.
La communication nouvelle du médicament reposera sur quelques principes
faciles à énoncer, mais délicats à mettre en oeuvre à cause de la révolution
mentale qu'ils présupposent.
C'est ce que nous montrerons dans ce chapitre.
Quand les solutions sont déjà
là
Avant de parler des solutions savantes que pourraient
trouver les théories et pratiques des nouvelles philosophies de la communication,
il faut parler des solutions trouvées spontanément par les visiteurs.
En effet, si l'on regarde les résultats par secteurs de vente, d'un
médicament qui se vend mal, on constate presque toujours qu'il marche
très bien dans certains secteurs. Et l'on a tôt fait de remarquer que
ce n'est probablement pas le fait du hasard, car cela tombe toujours
sur les mêmes visiteurs.
Il est assez surprenant de constater, dans les laboratoires, que ces
faits ne suscitent aucun désir sérieux de recherche . On dit : "Ah
oui, mais lui, il vendrait n'importe quoi". Et l'on en reste là.
Nous, dans notre incommensurable naïveté, nous croyons, que si le produit
se vend bien dans certains secteurs, c'est que, d'une certaine façon,
le visiteur a déjà trouvé une solution au problème du labo, et que cela
mérite, au moins, qu'on aille y voir de plus près.
L'idée de base, est d'aller voir pour comprendre, pour essayer de reproduire
ailleurs les processus gagnants développés par ces visiteurs. C'est
ce que l'un de nos premiers clients et amis, Gilbert LENEUTRE, appelait
"la stratégie du succès".
Ce que nous avons toujours reproché aux laboratoires, souvent amicalement,
c'est de rester sur l'idée que cela ne servirait à rien d'aller voir
comment pratiquent les visiteurs qui réussissent, car leur méthode,
disent -ils, si méthode il y a, n'est pas extrapolable. Souvent , nous
avons senti, dans leur comportement, quelques zests de mépris vis à
vis des gens de la route. Sentiment que nous avons largement développé
dans le chapitre 2.
Il est vrai : ce n'est pas facile de comprendre comment il se fait qu'un
visiteur réussisse là où d'autres échouent. Il ne faut surtout pas le
lui demander, car, alors, ses réponses apparaîtraient d'une extrême
banalité. Mac Kenna le dit :
Un
bon vendeur n'est pas nécessairement capable d'expliquer sa technique,
mais il sait exactement quand conclure une vente. (Le Marketing
selon Mac Kenna, p.142)
Il faut aller voir, en laissant au vestiaire tous ses
jugements préétablis, à la fois sur le visiteur, sur le métier, aussi
bien que sur le produit. Il faut noter ce qui se dit de part et d'autre,
c'est-à-dire noter les échanges de paroles, de gestes, voir la part
de la relation et du contenu de chaque visite, bref, il faut posséder,
pour que l'observation soit utile, valide et explicable, une sérieuse
grille d'analyse, en termes d'interactions.
Quand nous procédons à ce type d'observation pour nos clients, il est
très rare que nous ne découvrions pas rapidement, une méthode personnelle
de visite, tout à fait inconsciente du visiteur, faisant partie de notre
collection de méthodes gagnantes.
Au risque de déplaire, - mais qui veut plaire à la minorité innovante
doit prendre le risque de déplaire au plus grand nombre - nous dirons
que, presque toujours, les visiteurs à succès ne respectent en rien
les consignes données par le siège et son marketing. Le chapitre 2 nous
a expliqué pourquoi.
A part une minorité de visiteurs, que nous appelons "visiteurs-locomotives",
ceux qui récitent plusieurs argumentaires à la suite, qui disent tout
à chaque fois, et vident à chaque fois leur sacoche pleine de documents,
à part ces visiteurs-là, qui ont en général du succès, tous les autres
visiteurs gagnants, ont des méthodes de travail "en douceur",
basées sur l'entretien de la relation, sur l'écoute du médecin, et évitent
d'insister si le médecin ne veut pas entendre parler d'un produit en
particulier.
Bref, ce que l'on trouve en observant ceux qui réussissent, ressemble
souvent d'assez près à ce que nous proposons dans ce livre.
Il n'y a pas de communication
en général
ou l'argumentaire qui tue
On a vu que le schéma linéaire de la communication,
se comporte comme si l'on croyait tous les médecins capables d'avoir
la même réaction au même message, et que cette réaction devait être
la prescription.
Le marketing classique, les réseaux de visite classique, sont organisées
sur la base : il faut essayer de faire en sorte que tous les
médecins rencontrés, prescrivent tous les produits présentés.
Bien évidemment, tout le monde sait qu'il n'en est jamais ainsi dans
la réalité. Mais le but "annoncé" de la communication reste
inchangé. Tout le monde sait, et constate que le même argumentaire aboutira
parfois à la prescription, et souvent à la non-prescription. Tout le
monde peut donc se douter, qu'il doit exister d'autres éléments à mettre
en cause, pour expliquer, ou seulement pour décrire, les processus aboutissant
à l'acte de prescription ou non.
Les orientaux nous ont appris depuis longtemps que la voie peut être
plus importante que le but. Ici, le but de toute communication commerciale
est clair : faire prescrire. Mais, de l'argumentaire entendu par le
médecin à l'acte, il existent des voies multiples dans l'esprit des
médecins. L'argumentaire est comme une source : pour arriver à la mer,
le ruisseau empruntera des trajets différents selon l'état du chemin
que le courant rencontrera. Et ces voies ne dépendent pas de la source.
Bien souvent, le ruisseau ira se perdre dans les déserts de l'oubli,
ou sera englouti par un gouffre, ou récupéré par le courant plus puissant
du concurrent leader.
Nous pensons qu'il est temps d'étudier les chemins empruntés par l'argumentaire,
ou tout autre message , et d'étudier la nature et l'influence des éléments
rencontrés, qui permettront, par la description réelle de ce qui se
passe, d'aller au but un peu plus souvent. Avec ce type de méthodes,
l'amélioration d'une communication-produit ressemblera plus à la pose
de barrages et à la construction de canalisations qu'à une introspection
psychologique.
La communication linéaire classique part du labo et pense arriver jusqu'au
médecin; mais, bien souvent elle n'atteint jamais sa cible.
Quand on dit : elle part du labo, cela doit s'entendre dans les deux
sens courant du mot: la communication part, et la communication se crée
à partir de la vision subjective que le labo entretient de son produit.
Or, toute communication unique empruntera des chemins variés en fonction
des médecins, de leur environnement, de leurs opinions, de leurs comportements...
C'est pourquoi, toute communication nouvelle, tout système organisé
de relations, doit partir des médecins, et revenir aux médecins après
avoir été analysé, filtré et canalisé par les laboratoires.
Le nouveau rôle des directions d'entreprise, - donc du marketing et
de la visite médicale -, ne sera plus d'informer ni d'argumenter pour
vendre, mais de contrôler des flux d'informations, à condition d'admettre
que le centre vital de ces informations se situe dans l'esprit des médecins
et nulle part ailleurs. C'est dans l'esprit de chaque médecin qu'il
faudra chercher les bonnes descriptions des voies de la communication
médicale.
Depuis de longues décennies, laboratoires et médecins sont habitués
à envoyer et recevoir des messages à sens unique, ils ont fini par ne
plus voir qu'il s'agissait d'une communication "marchant sur la
tête". Si bien, qu'en remettant le fleuve dans son lit originel,
en déclarant qu'il faut "écouter" le médecin, et non plus
le baratiner, beaucoup pensent que c'est nous qui "marchons sur
la tête".
Nous partons des médecins : il nous faut connaître avec grande précision
ce qu'ils connaissent de nos produits, ce qu'ils en font dans leur pratique
quotidienne, et, accessoirement ce qu'ils en pensent.
Une fois que tous nos médecins sont situés, dans l'espace-temps de leurs
relations avec les produits que nous vendons et leurs concurrents, nous
établissons une stratégie personnalisée tenant compte des informations
individuelles recueillies.
Le plus important est de savoir jusqu'à quel point un médecin est prescripteur
de nos produits, c'est-à-dire, que représente notre produit au sein
de sa prescription de produits semblables. Pense-t-il à notre produit
en première position, en deuxième ou troisième position, ou bien l'oublie-t-il
complètement ?
Il existe, sur le terrain, des cas fondamentaux, qu'il importe de découvrir
rapidement, médecin par médecin.
Il y a tout d'abord, ceux qui ne connaissent pas notre produit, et qui
donc ne le prescrivent pas.
Il y a ceux qui le connaissent assez bien, et qui ne le prescrivent
pas, parce qu'ils ont d'autres habitudes.
Il y a ceux qui le connaissent bien et qui ne le prescrivent pas pour
des raisons précises; dans cette catégorie nous classons également ceux
qui ne le prescrivent plus, qui l'ont abandonné.
Il y ceux qui le prescrivent très occasionnellement, en dernière intention,
quand ils ne peuvent pas prescrire les concurrents.
Il y ceux qui le prescrivent habituellement. Dans cette catégorie, il
faut différencier ceux qui sont pleinement contents du médicament, et
ceux qui émettent des réserves à son égard.
Nous verrons, aux paragraphes suivants que, selon nous, c'est une erreur
de se comporter de la même façon dans ces six cas de figure les plus
fréquents. L'argumentaire linéaire, quant à lui, ne peut se justifier
que dans le premier cas; en effet, c'est seulement quand un médecin
ne connaît pas un produit - cas d'un lancement par exemple-, qu'il est
souhaitable de lui apporter une première information, et la même pour
tous les médecins.
Les prémisses de la communication
cyclique
Nous rappelons que, pour résoudre les problèmes de communication
du médicament, il faut opérer, ce que l'Ecole de Palo Alto appelle un
changement de niveau 2, c'est-à-dire, non pas seulement une modification
à l'intérieur d'un système, mais un changement de système.
Le système actuel est centré sur le médicament, tel qu'il est vu par
les dirigeants des firmes. Les laboratoires ont un comportement nombriliste,
et veulent imposer aux médecins, leur vision de leurs propres médicaments.
D'où le flot permanent et à sens unique d'informations sur les produits.
On s'en doute : le nouveau système à mettre en place se caractérisera
par un renversement des flux d'informations; il devra partir du médecin
et de sa vision du médicament.
On entend souvent dire : il faut partir du médecin, de ses besoins et
de ses souhaits. Nous pensons que cela n'est pas aussi simple que cela.
Tout d'abord, il est totalement impossible de connaître les besoins
des médecins en allant le leur demander. Cette démarche de questionnaire
- que nous dénonçons de façon plus détaillée au chapitre 4 -, aboutirait,
soit à déterrer des besoins impossibles à satisfaire, du type "produits
miracles", soit à faire rapidement resurgir le besoin d'aide financière
que nous voulons éviter.
Les laboratoires pharmaceutiques - ou plutôt certains d'entre eux, les
plus riches -, ont, depuis de trop longues années, donné l'habitude
aux médecins d'être gâtés en échange d'hypothétiques promesses de prescriptions.
Certains médecins ont pris l'habitude de ce type de rapports de dépendance,
où le plus dépendant des deux partenaires n'est pas toujours celui que
l'on croit. Ces médecins en demandent toujours plus. D'autres médecins
refusent violemment d'entrer dans ce système, et préfère garder leur
liberté de prescription. Cette dernière vue est noble, mais, osons le
dire, gratuite et inutile. Car les médecins qui ont soi-disant accepté
de "se laisser acheter" ne se gênent pas pour garder quand
même leur liberté de prescription.
Nombreuses sont les voix, aussi bien dans l'industrie que chez les médecins,
pour dire que, dorénavant, les seuls vrais besoins des médecins, sont
financiers. Nous ne traiterons pas ce sujet plus avant. Nous n'avons
pas l'esprit moral, mais pensons que cette coutume va cesser, soit par
manque d'efficacité, soit par contrainte venant des pouvoirs dits publics,
soit pour les deux raisons ou encore par manque de budgets.
Nous pensons que les rares structures pharmaceutiques qui se sortiront
victorieuses de l'impasse dans laquelle est actuellement engagée leur
industrie, sont celles qui auront réussi à créer un nouveau système
de communication, ne reposant pas sur l'achat de prescription.
Aujourd'hui, personne ne sait exactement de quelle nature sont les vrais
besoins des médecins, quelles sont leurs attentes vis à vis des laboratoires.
Car, personne ne peut valablement émettre un avis compétent sur un système
n'existant pas encore.
C'est ce qu'exprime Mac Kenna, dans "Le Marketing selon Mac
Kenna":
Lorsqu'il s'agit de produits radicalement
nouveaux, les clients ne peuvent savoir ce qu'ils veulent tant qu'ils
n'ont pas vu le produit. Mais une fois qu'ils l'ont essayé, ils
peuvent suggérer des modifications, de sorte que le nouveau produit
ou la nouvelle technologie réponde à leurs besoins. (p.66)
Pour nous, il est clair que la nouvelle communication
pharmaceutique sera considérée comme un ensemble de services rendus
aux médecins, plus que comme une organisation basée sur la vente de
produits.
La mise en route de cette nouvelle communication doit avoir un double
caractère apparemment contradictoire.
D'une part, elle doit démarrer comme une démarche volontariste des laboratoires,
elle ne peut être issue d'une étude auprès des médecins. Dans un premier
temps, les laboratoires qui désireront innover complètement, devront
présenter aux médecins un début de système, quelque chose, d'embryonnaire
peut-être, mais qui fonctionnera déjà.
D'autre part, aucun système n'est viable à terme, s'il n'est l'œuvre
commune des différents partenaires du système lui-même. Dans le cas
qui nous préoccupe, la nouvelle communication, devra être construite
progressivement, par la mise en place de processus relationnels, par
des groupes d'action composés de médecins, de visiteurs et de dirigeants
de labos.
Nos esprits occidentaux, prétendument rationnels, conçoivent mal ce
type de construction. Chez nous, la pensée dominante est de dire : construisons
d'abord un moteur parfait, avant de mettre le contact. Nous disons,
au contraire : faisons le premier pas, commençons à faire tourner le
prototype du nouveau moteur même imparfait, puis appelons tous ceux
qui auront à s'en servir pour nous aider à l'améliorer.
L'inconvénient de notre système est évident : nous assisterons à un
plus grand nombre de ratés et de cafouillages. L'avantage, non moins
évident, est que le système de communication qui se mettra en place
progressivement, sera une oeuvre collective, commune à tous les partenaires
de la communication. Ce sera la maison commune où il fera bon vivre.
Bref, un système difficile à contester dans la mesure où chacun y reconnaîtra
ses outils et sa patte.
Un autre avantage de la démarche : "Faisons d'abord et réfléchissons
ensuite", est que le système aura construit de lui-même les mécanismes
lui permettant de s'adapter en permanence aux modifications de son environnement.
Le même Mac Kenna dit aussi :
Si l'environnement change, la perception
du produit par le public change aussi, même si le produit lui-même
n'a pas changé du tout. (p.49)
Nous retrouvons ici, l'idée développée dans un autre
chapitre, selon laquelle le sens d'un mot est donné par son contexte.
De même, c'est par la construction d'un nouveau système de communication,
que l'acte "vente de médicaments" sera perçu différemment
par les médecins eux-mêmes.
Il est pour nous évident qu'aucune révolution ne pourra s'accomplir
tant que les visiteurs médicaux existeront, tels qu'ils sont perçus
actuellement, en tant que "représentants vendant des médicaments".
Il ne s'agit pas là de les habiller à la hâte en "informateurs
thérapeutiques", il s'agit bien de modifier complètement leurs
comportements, donc leur emploi du temps, bref, de créer une autre sorte
de liens relationnels entre les labos et les médecins.
Modifier les relations entre labos et médecins, cela signifie arrêter
cette coutume stupide des visiteurs de passer régulièrement voir les
médecins, même quand ils n'ont rien à dire de nouveau, de monologuer
sur les produits, et de vider leur sac et leurs sacoches sur le bureau
des médecins.
Nous ne savons pas quels seront les caractéristiques des nouveaux systèmes
de communication qui se mettront en place, car ils seront l'œuvre progressive
des protagonistes de ce système; nous savons seulement, qu'il est nécessaire
auparavant de partir de nouvelles prémisses, de changer nos idées sur
la communication et d'en changer les règles.
Quelles sont les principales prémisses de la nouvelle communication
?
La première prémisse pourra s'énoncer ainsi : Chaque médecin est
différent des autres.
Mac Kenna, souvent cité dans ce chapitre, nous dit :
"Les responsables du marketing doivent
apprendre à considérer chaque client comme un cas individuel".
(p.19)
En effet, interrogeons-nous : "Quels sont les éléments
à prendre en compte pour définir un médecin ?" Il y a : son point
de vue sur nos produits, son point de vue et sa façon d'aborder les
thérapeutiques concernées, ses rapports avec les malades, avec ses confrères,
avec les spécialistes, ses sources d'informations habituelles, ainsi
que sa position familiale, ses amis...
Ces informations, bien qu'étant des épiphénomènes, font partie du médecin
qui est en face de moi; elles l'influencent et expliquent certains de
ses comportements.
Avant toute chose, il faut donc connaître chaque médecin que l'on va
voir. Les médecins sont le centre et le sujet de toute communication
sur le médicament.
On voit tout de suite qu'une telle conception, plus pragmatique, aura
pour première conséquence de refuser toute démarche généralisante, donc
de refuser le principe même de l'argumentaire-produit, unique et valable
pour tous les médecins.
La deuxième prémisse s'énoncera : On ne convainc jamais personne.
Et convaincre est pourtant la principale raison d'être d'un argumentaire.
Nous ne croyons pas que l'on puisse modifier l'opinion de qui que ce
soit, uniquement par une argumentation rationnelle. Cela nous l'avons
dit et répété.
Nous ne convainquons que ceux qui sont déjà convaincus. Les hommes politiques
feraient bien d'y réfléchir, avant de tomber eux aussi dans la nasse
du rejet définitif.
Il est important de découvrir les positions des médecins vis à vis des
produits, et d'agir, en fonction de ces informations découvertes. Si
le médecin aime et prescrit un de nos produits, c'est bien. S'il en
préfère un autre, et que cette préférence repose sur une connaissance
vécue du sujet, c'est bien aussi.
Il faut cesser d'apprendre à ces pauvres visiteurs médicaux à se comporter
comme des vendeurs de surgelés. Il n'ont pas à répondre aux objections
des médecins. Ceux-ci ont le droit de prescrire les médicaments qui
leur semblent le plus adaptés à leurs malades.
De deux choses l'une : ou bien deux produits se valent, et il est normal
de préférer que les médecins prescrivent le nôtre, ou bien il existe
des différences notoires entre deux produits, et c'est au médecin de
choisir.
En fait, la réalité est plus compliquée que cela, car il n'est guère
possible de définir des critères dits "objectifs" permettant
de savoir dans quelle mesure deux produits sont ou ne sont pas identiques.
On a vu souvent deux médicaments, exactement semblables, c'est-à-dire
possédant la même molécule, avoir des impacts et des réussites très
différentes, et être perçus différemment par les médecins.
Mac Kenna nous dit :
Même si deux produits ont des caractéristiques
identiques et des prix également identiques, les clients peuvent
très bien les percevoir différemment. (p.56)
Attention, loin de nous l'idée
de donner raison aux bonnes âmes sensibles, qui trouvent honteux de
se livrer au commerce des médicaments. Nous nous sommes déjà exprimés
longuement sur ce sujet en 1975.
Nous voulons simplement dire que répondre aux objections des médecins,
n'a jamais permis de les convaincre. Il faut toujours donner raison
au client, donc au médecin. Il faut même aller plus loin : il faut s'abstenir
de penser qu'il a tort.
La première démarche révolutionnaire de la nouvelle communication, sera
de laisser le médecin choisir tranquillement sa thérapeutique. Répondons
à ses questions, parlons de nos produits certes, mais sans jamais en
faire l'article, et laissons-le dire du mal de nos médicaments si c'est
cela qu'il pense.
Comportons-nous avec chaque médecin en fonction de ce que nous connaissons
de lui. Cela signifie obligatoirement : pas de comportement stéréotypé.
La troisième prémisse découle des deux premières : La communication
médicale n'a plus besoin d'argumentaire.
Nous avons déjà vu cela souvent.
Le nouveau visiteur ne sera plus porteur d'un message - contenu sur
le produit -; il deviendra acteur au sein d'une action relationnelle
avec le médecin.
Le laboratoire continuera à informer le médecin, certes, mais, plus
à la demande de celui-ci que de façon systématique et répétitive. L'information,
circulant de visiteur à médecin, ne sera plus qu'une infime partie de
la nouvelle relation permanente qu'ils entretiendront.
On pourra fort bien envisager des rencontres pendant lesquelles le visiteur
n'évoquera même pas ses produits, mais étudiera avec le médecin, un
problème que celui-ci aura soulevé.
On pourra fort bien envisager, que certains médecins soient vus toutes
les semaines pendant quelque temps, pendant que d'autres ne seraient
vus qu'une fois tous les trois ans, et cela, en fonction des besoins
mêmes de ces médecins.
On pourra fort bien envisager des rencontres pendant lesquelles, c'est
le visiteur qui recevra l'information de la part du médecin, sur ses
habitudes thérapeutiques, ou sur les points qu'il aimerait améliorer
dans sa vie professionnelle.
On peut envisager beaucoup d'autres cas de figures, à condition d'accepter
l'idée que ces cas de figures surgiront spontanément sur le terrain,
dans l'action, et après la mise en place d'une nouvelle structure, et,
que dans tous les cas, le médicament ne sera plus le centre de la conversation.
Accepter l'idée même de "nouvelle communication" telle que
nous la décrivons, suppose accepter aussi l'idée d'aventure. Car on
ne peut pas savoir ce qui va naître d'un système encore inexistant.
Le mot "aventure" peut-être perçu positivement, comme une
promenade exaltante en pays inconnu, mais aussi comme voulant dire "aventureux".
Le sens d'un mot, dépend aussi de celui qui l'entend, et ce livre n'est
pas autorisé pour tous les publics.
Les idées soulevées en vrac dans ce livre ne germeront que dans les
esprits où elles ont déjà été semées.
Nous ne ferons pas à nos détracteurs le plaisir de nous prendre en flagrant
délit de contradiction, en tentant de les convaincre, ni en répondant
à leurs objections.
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