Le Médicament, malade de sa communication
Chapitre 3 : Demain, le grand chambardement 
(premier extrait)

Comment sortir du raisonnement quantitatif ?

Quand un système de communication repose essentiellement sur des principes quantitatifs, les tentatives de solutions que l'on essaye, à l'intérieur de ce système, ne peuvent être également de nature quantitative.
L'avantage du quantitatif est d'apparaître facile à définir et à contrôler. Tout le monde sait ce que signifie le quantitatif. Tous les laboratoires possèdent les mêmes tableaux chiffrés, les mêmes études de vente, d'impact, et autres tests permettant la mesure de leurs efforts.
On peut demander aux visiteurs de "faire plus de contacts", de passer plus souvent voir certains médecins, on peut leur demander de faire des visites plus longues, on peut louer un deuxième réseau prestataire pour présenter un produit et mesurer le gain.
A l'aide des tableaux GERS, où les chiffres de vente en pharmacie sont détaillées par arrondissements, on peut suivre l'impact et l'efficacité, de l'argumentaire ou du visiteur; cela dépend de la personne qui regarde les résultats.
Il est souvent de bon ton de décrier le quantitatif, mais il possède au moins deux mérites incontestés : être facile à comprendre et à mettre en oeuvre, et servir de justificatif au travail de ceux qui instaurent ce système. Le quantitatif est d'autant plus confortable, qu'il est souvent érigé en système explicatif : on vend plus parce que l'on a travaillé plus, plus fort, plus vite, plus longuement...
Cependant, comme John SCULLEY a dit (cité par Mac Kenna) : "aucune grande décision de marketing n'a jamais été prise sur des données quantitatives".
Il est de bon ton, généralement, de critiquer le quantitatif en lui opposant les bienfaits du qualitatif.
Mais, c'est un peu comme si on opposait un être réel à un fantôme. Car personne ne sait exactement ce qu'il faut entendre par qualitatif. Notre cerveau occidental, toujours dualiste, nous fait dire quantitatif versus qualitatif, alors que, selon nous, il s'agit là de deux notions sans rapport entre elles, et, de plus, nullement exclusives.
Pour les uns, "faire du qualitatif" consisterait à "mieux soigner" les médecins : faire des bonnes visites, plutôt que des visites nombreuses. "Moins de visites, mais des visites de qualité", entend-on souvent dire. Ce qui est ne rien dire. On ne fait là que déplacer l'interrogation car alors il faut se demander : que signifie "de bonnes visites"?
Pour les labos, cela signifie quelque chose qui doit ressembler à "des visites qui font prescrire"; pour les médecins, cela doit ressembler à "des visites à la fois instructives et sympas"; et, pour les syndicats (ou pour le Ministère), cela doit ressembler à "des visites savantes et objectives". Pour d'autres encore, cela doit vouloir dire, "des visites décontractées". Le sens des mots étant un sujet que nous aborderons au chapitre 4, nous n'en dirons pas plus ici.
Qu'en sera-t-il demain ?
Pour nous, il est clair que la vente des médicaments s'inscrira demain dans un schéma non-quantitatif, que nous appelons ici, schéma cyclique. Ce nouveau système ne connaîtra pas l'opposition quantitatif-qualitatif. La visite médicale de demain, la communication du médicament de demain, sera "qualitativement quantitative".
La visite médicale de demain respectera l'axiome de la relation et du contenu.
Il est évident qu'une visite satisfaisante se doit de comporter un minimum de contenu sur les médicaments et leur environnement, contenu demandé par le médecin, ou, parfois, imposé par le visiteur. Mais, il est tout aussi évident que ce contenu doit s'inscrire dans une relation radicalement différente de celle que nous connaissons actuellement.
Nous disons : tant que les laboratoires pharmaceutiques accepteront l'idée d'être représentés par des individus à sacoche, qui doivent attendre des heures dans le cabinet des médecins, pour y débiter - quand ils sont reçus - la dernière trouvaille du nouveau chef de produit génial, sans s'occuper de savoir si cela intéresse ou non le médecin, sans s'occuper de savoir si le médecin connaît ou non le médicament, pour y dégorger les avantages de son produit par rapport aux "vilains concurrents", nous disons, que les laboratoires arriveront vite au bout de l'impasse. Et il vaudrait mieux qu'ils cessent d'accélérer.
Actuellement les laboratoires, ou plutôt leurs dirigeants, peuvent se ranger en trois catégories, pour faire simple.
Ceux qui refusent de voir le problème posé par le mythe du quantitatif, et qui continuent à penser que plus on investit, plus on récolte. Ceux-là refusent encore d'admettre que la nature de ce qu'on récolte est plus importante que la lourdeur du sac à provision.
Ceux-là peuvent être considérés comme déjà morts et enterrés, car s'ils ne meurent pas de l'évolution naturelle de leur maladie, le Ministère, quel que soit son obédience politique, se chargera de les liquider.
Une deuxième catégorie de laboratoires, est consciente qu'il faut s'échapper des raisonnements purement quantitatifs. Ils font des tentatives d'issue de secours, du type : "soyons qualitatifs". Ils cherchent - et trouvent - des opérations de relations publiques, engagent des visiteurs "au look" différent, inventent des originalités de communication conseillées par les publicitaires, toujours friants d'accélérer les processus de pourrissement, organisent des "bouffes" ou des voyages onéreux à l'étranger "avec Madame". Tentatives, appels au secours, mais point de solution; souvent ces tentatives, paraissent aux yeux courroucés des moralistes de tout poil - à commencer par ceux du Ministère -, comme des "achats de prescription".
Une parenthèse ici est nécessaire : nous sommes, et cela depuis toujours, résolument contre toute forme d'achat de prescription des médecins, que ce soit de la simple bouffe jusqu'au voyage en Chine, en passant par toute forme d'aide à l'équipement, nous sommes contre toute forme "d'arrosage", mais non pas pour des raisons morales; simplement parce que ces méthodes ont le double inconvénient de donner une mauvaise image de ceux qui les pratiquent et d'être inefficaces.
Les laboratoires ne savent pas sortir du système quantitatif, car il ne savent pas remettre en question les fondements mêmes de leur pensée. Palo Alto dirait qu'ils ne savent pas recadrer.
Tant que les dirigeants des laboratoires croiront que pour faire prescrire un médicament, le seule solution possible est de créer un argumentaire qui vante les qualités du produit comparé aux concurrents, qu'il est obligatoire d'aller voir les médecins le plus souvent possible, selon des cycles réguliers; tant qu'ils croiront que c'est avec des arguments rationnels que les médecins seront convaincus, et qu'il est secondaire de connaître les opinions et les soucis quotidiens des médecins; bref, tant qu'ils croiront que leur communication doit ressembler à des monologues centrés sur le produit, et non pas à des dialogues centrés sur le médecin, il ne sortiront pas de la cage dorée du système quantitatif et linéaire.
Une troisième catégorie de dirigeants est en train d'apparaître "sur le marché". Ceux-là ont compris qu'il faut faire table rase "dans sa tête", qu'une révolution mentale est nécessaire rapidement, laquelle nous donnera les moyens intellectuels de créer un système de pensée radicalement nouveau.
Le quantitatif ne peut conduire qu'à l'embouteillage, et l'embouteillage à l'immobilité totale, comme on voit aux carrefours des grandes villes.
Autrement dit, le moment est bientôt venu dans le pharmaceutique où un investissement supplémentaire, non seulement n'apportera plus aucun gain, mais fera même perdre de l'argent. Les moteurs patinent déjà, et bientôt caleront.
L'embouteillage est un bien curieux phénomène, passionnant sous maints rapports, où l'on voit une belle illustration des principes de Palo Alto. L'on voit des automobilistes, - et on veut bien croire que chacun pris séparément, soit un individu intelligent -, se comporter de la façon la plus stupide qui soit, en resserrant encore plus le nœud dans lequel ils sont pris. Comme on voit ces prisonniers, pris de rage, resserrer encore plus les menottes qui leur serrent les poignets. Chacun avance de quelques millimètres, persuadé en fait, et non sans raison, que s'il laissait libre ces petits millimètres, un autre automobiliste en profiterait pour les lui ravir. C'est une façon pragmatiquement stupide de pratiquer la politique des créneaux.
Dans ses livres, notre ami P.WATZLAWICK, nous montre comment nous avons l'habitude de vouloir desserrer les nœuds, - par exemple résoudre des problèmes du type de l'insomnie -, en tirant dessus au lieu de chercher à le défaire. Plus je me dis : "il faut que je dorme", plus je m'éveille, car, comme l'a si bien dit le Philosophe ALAIN, le sommeil c'est le désintérêt, le laisser-aller.
Les automobilistes savent bien, dans le fond (dans le fond de quoi, au fait ?), que la solution à un carrefour complètement bloqué, est, momentanément, de ne pas avancer. C'est pourquoi, dépourvus d'un mécanisme auto-régulateur, du type "discipline collective", ils en viennent à appeler désespérément au secours les agents de police habituellement maudits. Lesquels, c'est bien connu, ne sont jamais là quand on les attend, puisqu'ils "sont toujours là quand on les attend pas." (chanson ancienne).
Quitter le schéma en forme de nœud de la communication linéaire, cela signifie, pour les laboratoires, commencer par faire "moins de la même chose". La solution, nous en sommes convaincus, passe par moins de visiteurs, moins - ou pas du tout - de publicité, des visites à la demande du médecin et en fonction de chaque cas...
Quand on raisonne à l'aide des prémisses linéaires, et quantitatives de la communication, faire "moins de la même chose", c'est inévitablement, perdre de l'argent. Les laboratoires incapables de concevoir une autre façon de penser, se trouvent contraints de chanter la complainte des ordonnances infidèles. Ils ont peur devant une situation où les interdits de fonctionner quantitativement s'accumulent : baisses de prix autoritaires, médicaments déremboursés, impôts et taxes sur toute action promotionnelle.
Devant la situation dramatique du type : "Docteur, on a rétréci nos budgets", ils se trouvent devant un problème quasi-insoluble : comment vendre autant, avec des moyens réduits ? Cette question n'a pas de réponse satisfaisante dans le système de communication classique.
Mais nous sommes convaincus que, bientôt, quelques entreprises sauront comment désembouteiller les communications trop nombreuses, en acceptant de faire moins, tout en faisant autrement.
A condition de le faire savoir, haut et fort, au corps médical.
En même temps, la solution passe par l'abandon définitif de tout désir de convaincre, par l'abandon définitif de tout comportement de vente, et de toute technique de marketing classique.
La communication nouvelle du médicament reposera sur quelques principes faciles à énoncer, mais délicats à mettre en oeuvre à cause de la révolution mentale qu'ils présupposent.
C'est ce que nous montrerons dans ce chapitre.

 

Quand les solutions sont déjà là

Avant de parler des solutions savantes que pourraient trouver les théories et pratiques des nouvelles philosophies de la communication, il faut parler des solutions trouvées spontanément par les visiteurs.
En effet, si l'on regarde les résultats par secteurs de vente, d'un médicament qui se vend mal, on constate presque toujours qu'il marche très bien dans certains secteurs. Et l'on a tôt fait de remarquer que ce n'est probablement pas le fait du hasard, car cela tombe toujours sur les mêmes visiteurs.
Il est assez surprenant de constater, dans les laboratoires, que ces faits ne suscitent aucun désir sérieux de recherche . On dit : "Ah oui, mais lui, il vendrait n'importe quoi". Et l'on en reste là.
Nous, dans notre incommensurable naïveté, nous croyons, que si le produit se vend bien dans certains secteurs, c'est que, d'une certaine façon, le visiteur a déjà trouvé une solution au problème du labo, et que cela mérite, au moins, qu'on aille y voir de plus près.
L'idée de base, est d'aller voir pour comprendre, pour essayer de reproduire ailleurs les processus gagnants développés par ces visiteurs. C'est ce que l'un de nos premiers clients et amis, Gilbert LENEUTRE, appelait "la stratégie du succès".
Ce que nous avons toujours reproché aux laboratoires, souvent amicalement, c'est de rester sur l'idée que cela ne servirait à rien d'aller voir comment pratiquent les visiteurs qui réussissent, car leur méthode, disent -ils, si méthode il y a, n'est pas extrapolable. Souvent , nous avons senti, dans leur comportement, quelques zests de mépris vis à vis des gens de la route. Sentiment que nous avons largement développé dans le chapitre 2.
Il est vrai : ce n'est pas facile de comprendre comment il se fait qu'un visiteur réussisse là où d'autres échouent. Il ne faut surtout pas le lui demander, car, alors, ses réponses apparaîtraient d'une extrême banalité. Mac Kenna le dit :

Un bon vendeur n'est pas nécessairement capable d'expliquer sa technique, mais il sait exactement quand conclure une vente. (Le Marketing selon Mac Kenna, p.142)

Il faut aller voir, en laissant au vestiaire tous ses jugements préétablis, à la fois sur le visiteur, sur le métier, aussi bien que sur le produit. Il faut noter ce qui se dit de part et d'autre, c'est-à-dire noter les échanges de paroles, de gestes, voir la part de la relation et du contenu de chaque visite, bref, il faut posséder, pour que l'observation soit utile, valide et explicable, une sérieuse grille d'analyse, en termes d'interactions.
Quand nous procédons à ce type d'observation pour nos clients, il est très rare que nous ne découvrions pas rapidement, une méthode personnelle de visite, tout à fait inconsciente du visiteur, faisant partie de notre collection de méthodes gagnantes.
Au risque de déplaire, - mais qui veut plaire à la minorité innovante doit prendre le risque de déplaire au plus grand nombre - nous dirons que, presque toujours, les visiteurs à succès ne respectent en rien les consignes données par le siège et son marketing. Le chapitre 2 nous a expliqué pourquoi.
A part une minorité de visiteurs, que nous appelons "visiteurs-locomotives", ceux qui récitent plusieurs argumentaires à la suite, qui disent tout à chaque fois, et vident à chaque fois leur sacoche pleine de documents, à part ces visiteurs-là, qui ont en général du succès, tous les autres visiteurs gagnants, ont des méthodes de travail "en douceur", basées sur l'entretien de la relation, sur l'écoute du médecin, et évitent d'insister si le médecin ne veut pas entendre parler d'un produit en particulier.
Bref, ce que l'on trouve en observant ceux qui réussissent, ressemble souvent d'assez près à ce que nous proposons dans ce livre.

 

Il n'y a pas de communication en général 
ou l'argumentaire qui tue

On a vu que le schéma linéaire de la communication, se comporte comme si l'on croyait tous les médecins capables d'avoir la même réaction au même message, et que cette réaction devait être la prescription.
Le marketing classique, les réseaux de visite classique, sont organisées sur la base : il faut essayer de faire en sorte que tous les médecins rencontrés, prescrivent tous les produits présentés.
Bien évidemment, tout le monde sait qu'il n'en est jamais ainsi dans la réalité. Mais le but "annoncé" de la communication reste inchangé. Tout le monde sait, et constate que le même argumentaire aboutira parfois à la prescription, et souvent à la non-prescription. Tout le monde peut donc se douter, qu'il doit exister d'autres éléments à mettre en cause, pour expliquer, ou seulement pour décrire, les processus aboutissant à l'acte de prescription ou non.
Les orientaux nous ont appris depuis longtemps que la voie peut être plus importante que le but. Ici, le but de toute communication commerciale est clair : faire prescrire. Mais, de l'argumentaire entendu par le médecin à l'acte, il existent des voies multiples dans l'esprit des médecins. L'argumentaire est comme une source : pour arriver à la mer, le ruisseau empruntera des trajets différents selon l'état du chemin que le courant rencontrera. Et ces voies ne dépendent pas de la source. Bien souvent, le ruisseau ira se perdre dans les déserts de l'oubli, ou sera englouti par un gouffre, ou récupéré par le courant plus puissant du concurrent leader.
Nous pensons qu'il est temps d'étudier les chemins empruntés par l'argumentaire, ou tout autre message , et d'étudier la nature et l'influence des éléments rencontrés, qui permettront, par la description réelle de ce qui se passe, d'aller au but un peu plus souvent. Avec ce type de méthodes, l'amélioration d'une communication-produit ressemblera plus à la pose de barrages et à la construction de canalisations qu'à une introspection psychologique.
La communication linéaire classique part du labo et pense arriver jusqu'au médecin; mais, bien souvent elle n'atteint jamais sa cible.
Quand on dit : elle part du labo, cela doit s'entendre dans les deux sens courant du mot: la communication part, et la communication se crée à partir de la vision subjective que le labo entretient de son produit.
Or, toute communication unique empruntera des chemins variés en fonction des médecins, de leur environnement, de leurs opinions, de leurs comportements...
C'est pourquoi, toute communication nouvelle, tout système organisé de relations, doit partir des médecins, et revenir aux médecins après avoir été analysé, filtré et canalisé par les laboratoires.
Le nouveau rôle des directions d'entreprise, - donc du marketing et de la visite médicale -, ne sera plus d'informer ni d'argumenter pour vendre, mais de contrôler des flux d'informations, à condition d'admettre que le centre vital de ces informations se situe dans l'esprit des médecins et nulle part ailleurs. C'est dans l'esprit de chaque médecin qu'il faudra chercher les bonnes descriptions des voies de la communication médicale.
Depuis de longues décennies, laboratoires et médecins sont habitués à envoyer et recevoir des messages à sens unique, ils ont fini par ne plus voir qu'il s'agissait d'une communication "marchant sur la tête". Si bien, qu'en remettant le fleuve dans son lit originel, en déclarant qu'il faut "écouter" le médecin, et non plus le baratiner, beaucoup pensent que c'est nous qui "marchons sur la tête".
Nous partons des médecins : il nous faut connaître avec grande précision ce qu'ils connaissent de nos produits, ce qu'ils en font dans leur pratique quotidienne, et, accessoirement ce qu'ils en pensent.
Une fois que tous nos médecins sont situés, dans l'espace-temps de leurs relations avec les produits que nous vendons et leurs concurrents, nous établissons une stratégie personnalisée tenant compte des informations individuelles recueillies.
Le plus important est de savoir jusqu'à quel point un médecin est prescripteur de nos produits, c'est-à-dire, que représente notre produit au sein de sa prescription de produits semblables. Pense-t-il à notre produit en première position, en deuxième ou troisième position, ou bien l'oublie-t-il complètement ?
Il existe, sur le terrain, des cas fondamentaux, qu'il importe de découvrir rapidement, médecin par médecin.
Il y a tout d'abord, ceux qui ne connaissent pas notre produit, et qui donc ne le prescrivent pas.
Il y a ceux qui le connaissent assez bien, et qui ne le prescrivent pas, parce qu'ils ont d'autres habitudes.
Il y a ceux qui le connaissent bien et qui ne le prescrivent pas pour des raisons précises; dans cette catégorie nous classons également ceux qui ne le prescrivent plus, qui l'ont abandonné.
Il y ceux qui le prescrivent très occasionnellement, en dernière intention, quand ils ne peuvent pas prescrire les concurrents.
Il y ceux qui le prescrivent habituellement. Dans cette catégorie, il faut différencier ceux qui sont pleinement contents du médicament, et ceux qui émettent des réserves à son égard.
Nous verrons, aux paragraphes suivants que, selon nous, c'est une erreur de se comporter de la même façon dans ces six cas de figure les plus fréquents. L'argumentaire linéaire, quant à lui, ne peut se justifier que dans le premier cas; en effet, c'est seulement quand un médecin ne connaît pas un produit - cas d'un lancement par exemple-, qu'il est souhaitable de lui apporter une première information, et la même pour tous les médecins.

 

Les prémisses de la communication cyclique

Nous rappelons que, pour résoudre les problèmes de communication du médicament, il faut opérer, ce que l'Ecole de Palo Alto appelle un changement de niveau 2, c'est-à-dire, non pas seulement une modification à l'intérieur d'un système, mais un changement de système.
Le système actuel est centré sur le médicament, tel qu'il est vu par les dirigeants des firmes. Les laboratoires ont un comportement nombriliste, et veulent imposer aux médecins, leur vision de leurs propres médicaments. D'où le flot permanent et à sens unique d'informations sur les produits.
On s'en doute : le nouveau système à mettre en place se caractérisera par un renversement des flux d'informations; il devra partir du médecin et de sa vision du médicament.
On entend souvent dire : il faut partir du médecin, de ses besoins et de ses souhaits. Nous pensons que cela n'est pas aussi simple que cela.
Tout d'abord, il est totalement impossible de connaître les besoins des médecins en allant le leur demander. Cette démarche de questionnaire - que nous dénonçons de façon plus détaillée au chapitre 4 -, aboutirait, soit à déterrer des besoins impossibles à satisfaire, du type "produits miracles", soit à faire rapidement resurgir le besoin d'aide financière que nous voulons éviter.
Les laboratoires pharmaceutiques - ou plutôt certains d'entre eux, les plus riches -, ont, depuis de trop longues années, donné l'habitude aux médecins d'être gâtés en échange d'hypothétiques promesses de prescriptions. Certains médecins ont pris l'habitude de ce type de rapports de dépendance, où le plus dépendant des deux partenaires n'est pas toujours celui que l'on croit. Ces médecins en demandent toujours plus. D'autres médecins refusent violemment d'entrer dans ce système, et préfère garder leur liberté de prescription. Cette dernière vue est noble, mais, osons le dire, gratuite et inutile. Car les médecins qui ont soi-disant accepté de "se laisser acheter" ne se gênent pas pour garder quand même leur liberté de prescription.
Nombreuses sont les voix, aussi bien dans l'industrie que chez les médecins, pour dire que, dorénavant, les seuls vrais besoins des médecins, sont financiers. Nous ne traiterons pas ce sujet plus avant. Nous n'avons pas l'esprit moral, mais pensons que cette coutume va cesser, soit par manque d'efficacité, soit par contrainte venant des pouvoirs dits publics, soit pour les deux raisons ou encore par manque de budgets.
Nous pensons que les rares structures pharmaceutiques qui se sortiront victorieuses de l'impasse dans laquelle est actuellement engagée leur industrie, sont celles qui auront réussi à créer un nouveau système de communication, ne reposant pas sur l'achat de prescription.
Aujourd'hui, personne ne sait exactement de quelle nature sont les vrais besoins des médecins, quelles sont leurs attentes vis à vis des laboratoires. Car, personne ne peut valablement émettre un avis compétent sur un système n'existant pas encore.
C'est ce qu'exprime Mac Kenna, dans "Le Marketing selon Mac Kenna":

Lorsqu'il s'agit de produits radicalement nouveaux, les clients ne peuvent savoir ce qu'ils veulent tant qu'ils n'ont pas vu le produit. Mais une fois qu'ils l'ont essayé, ils peuvent suggérer des modifications, de sorte que le nouveau produit ou la nouvelle technologie réponde à leurs besoins. (p.66)

Pour nous, il est clair que la nouvelle communication pharmaceutique sera considérée comme un ensemble de services rendus aux médecins, plus que comme une organisation basée sur la vente de produits.
La mise en route de cette nouvelle communication doit avoir un double caractère apparemment contradictoire.
D'une part, elle doit démarrer comme une démarche volontariste des laboratoires, elle ne peut être issue d'une étude auprès des médecins. Dans un premier temps, les laboratoires qui désireront innover complètement, devront présenter aux médecins un début de système, quelque chose, d'embryonnaire peut-être, mais qui fonctionnera déjà.
D'autre part, aucun système n'est viable à terme, s'il n'est l'œuvre commune des différents partenaires du système lui-même. Dans le cas qui nous préoccupe, la nouvelle communication, devra être construite progressivement, par la mise en place de processus relationnels, par des groupes d'action composés de médecins, de visiteurs et de dirigeants de labos.
Nos esprits occidentaux, prétendument rationnels, conçoivent mal ce type de construction. Chez nous, la pensée dominante est de dire : construisons d'abord un moteur parfait, avant de mettre le contact. Nous disons, au contraire : faisons le premier pas, commençons à faire tourner le prototype du nouveau moteur même imparfait, puis appelons tous ceux qui auront à s'en servir pour nous aider à l'améliorer.
L'inconvénient de notre système est évident : nous assisterons à un plus grand nombre de ratés et de cafouillages. L'avantage, non moins évident, est que le système de communication qui se mettra en place progressivement, sera une oeuvre collective, commune à tous les partenaires de la communication. Ce sera la maison commune où il fera bon vivre. Bref, un système difficile à contester dans la mesure où chacun y reconnaîtra ses outils et sa patte.
Un autre avantage de la démarche : "Faisons d'abord et réfléchissons ensuite", est que le système aura construit de lui-même les mécanismes lui permettant de s'adapter en permanence aux modifications de son environnement.
Le même Mac Kenna dit aussi :

Si l'environnement change, la perception du produit par le public change aussi, même si le produit lui-même n'a pas changé du tout. (p.49)

Nous retrouvons ici, l'idée développée dans un autre chapitre, selon laquelle le sens d'un mot est donné par son contexte. De même, c'est par la construction d'un nouveau système de communication, que l'acte "vente de médicaments" sera perçu différemment par les médecins eux-mêmes.
Il est pour nous évident qu'aucune révolution ne pourra s'accomplir tant que les visiteurs médicaux existeront, tels qu'ils sont perçus actuellement, en tant que "représentants vendant des médicaments".
Il ne s'agit pas là de les habiller à la hâte en "informateurs thérapeutiques", il s'agit bien de modifier complètement leurs comportements, donc leur emploi du temps, bref, de créer une autre sorte de liens relationnels entre les labos et les médecins.
Modifier les relations entre labos et médecins, cela signifie arrêter cette coutume stupide des visiteurs de passer régulièrement voir les médecins, même quand ils n'ont rien à dire de nouveau, de monologuer sur les produits, et de vider leur sac et leurs sacoches sur le bureau des médecins.
Nous ne savons pas quels seront les caractéristiques des nouveaux systèmes de communication qui se mettront en place, car ils seront l'œuvre progressive des protagonistes de ce système; nous savons seulement, qu'il est nécessaire auparavant de partir de nouvelles prémisses, de changer nos idées sur la communication et d'en changer les règles.
Quelles sont les principales prémisses de la nouvelle communication ?
La première prémisse pourra s'énoncer ainsi : Chaque médecin est différent des autres.
Mac Kenna, souvent cité dans ce chapitre, nous dit :

"Les responsables du marketing doivent apprendre à considérer chaque client comme un cas individuel". (p.19)

En effet, interrogeons-nous : "Quels sont les éléments à prendre en compte pour définir un médecin ?" Il y a : son point de vue sur nos produits, son point de vue et sa façon d'aborder les thérapeutiques concernées, ses rapports avec les malades, avec ses confrères, avec les spécialistes, ses sources d'informations habituelles, ainsi que sa position familiale, ses amis...
Ces informations, bien qu'étant des épiphénomènes, font partie du médecin qui est en face de moi; elles l'influencent et expliquent certains de ses comportements.
Avant toute chose, il faut donc connaître chaque médecin que l'on va voir. Les médecins sont le centre et le sujet de toute communication sur le médicament.
On voit tout de suite qu'une telle conception, plus pragmatique, aura pour première conséquence de refuser toute démarche généralisante, donc de refuser le principe même de l'argumentaire-produit, unique et valable pour tous les médecins.
La deuxième prémisse s'énoncera : On ne convainc jamais personne. Et convaincre est pourtant la principale raison d'être d'un argumentaire.
Nous ne croyons pas que l'on puisse modifier l'opinion de qui que ce soit, uniquement par une argumentation rationnelle. Cela nous l'avons dit et répété.
Nous ne convainquons que ceux qui sont déjà convaincus. Les hommes politiques feraient bien d'y réfléchir, avant de tomber eux aussi dans la nasse du rejet définitif.
Il est important de découvrir les positions des médecins vis à vis des produits, et d'agir, en fonction de ces informations découvertes. Si le médecin aime et prescrit un de nos produits, c'est bien. S'il en préfère un autre, et que cette préférence repose sur une connaissance vécue du sujet, c'est bien aussi.
Il faut cesser d'apprendre à ces pauvres visiteurs médicaux à se comporter comme des vendeurs de surgelés. Il n'ont pas à répondre aux objections des médecins. Ceux-ci ont le droit de prescrire les médicaments qui leur semblent le plus adaptés à leurs malades.
De deux choses l'une : ou bien deux produits se valent, et il est normal de préférer que les médecins prescrivent le nôtre, ou bien il existe des différences notoires entre deux produits, et c'est au médecin de choisir.
En fait, la réalité est plus compliquée que cela, car il n'est guère possible de définir des critères dits "objectifs" permettant de savoir dans quelle mesure deux produits sont ou ne sont pas identiques. On a vu souvent deux médicaments, exactement semblables, c'est-à-dire possédant la même molécule, avoir des impacts et des réussites très différentes, et être perçus différemment par les médecins.
Mac Kenna nous dit :

Même si deux produits ont des caractéristiques identiques et des prix également identiques, les clients peuvent très bien les percevoir différemment. (p.56)

Attention, loin de nous l'idée de donner raison aux bonnes âmes sensibles, qui trouvent honteux de se livrer au commerce des médicaments. Nous nous sommes déjà exprimés longuement sur ce sujet en 1975.
Nous voulons simplement dire que répondre aux objections des médecins, n'a jamais permis de les convaincre. Il faut toujours donner raison au client, donc au médecin. Il faut même aller plus loin : il faut s'abstenir de penser qu'il a tort.
La première démarche révolutionnaire de la nouvelle communication, sera de laisser le médecin choisir tranquillement sa thérapeutique. Répondons à ses questions, parlons de nos produits certes, mais sans jamais en faire l'article, et laissons-le dire du mal de nos médicaments si c'est cela qu'il pense.
Comportons-nous avec chaque médecin en fonction de ce que nous connaissons de lui. Cela signifie obligatoirement : pas de comportement stéréotypé.
La troisième prémisse découle des deux premières : La communication médicale n'a plus besoin d'argumentaire.
Nous avons déjà vu cela souvent.
Le nouveau visiteur ne sera plus porteur d'un message - contenu sur le produit -; il deviendra acteur au sein d'une action relationnelle avec le médecin.
Le laboratoire continuera à informer le médecin, certes, mais, plus à la demande de celui-ci que de façon systématique et répétitive. L'information, circulant de visiteur à médecin, ne sera plus qu'une infime partie de la nouvelle relation permanente qu'ils entretiendront.
On pourra fort bien envisager des rencontres pendant lesquelles le visiteur n'évoquera même pas ses produits, mais étudiera avec le médecin, un problème que celui-ci aura soulevé.
On pourra fort bien envisager, que certains médecins soient vus toutes les semaines pendant quelque temps, pendant que d'autres ne seraient vus qu'une fois tous les trois ans, et cela, en fonction des besoins mêmes de ces médecins.
On pourra fort bien envisager des rencontres pendant lesquelles, c'est le visiteur qui recevra l'information de la part du médecin, sur ses habitudes thérapeutiques, ou sur les points qu'il aimerait améliorer dans sa vie professionnelle.
On peut envisager beaucoup d'autres cas de figures, à condition d'accepter l'idée que ces cas de figures surgiront spontanément sur le terrain, dans l'action, et après la mise en place d'une nouvelle structure, et, que dans tous les cas, le médicament ne sera plus le centre de la conversation.
Accepter l'idée même de "nouvelle communication" telle que nous la décrivons, suppose accepter aussi l'idée d'aventure. Car on ne peut pas savoir ce qui va naître d'un système encore inexistant. Le mot "aventure" peut-être perçu positivement, comme une promenade exaltante en pays inconnu, mais aussi comme voulant dire "aventureux".
Le sens d'un mot, dépend aussi de celui qui l'entend, et ce livre n'est pas autorisé pour tous les publics.
Les idées soulevées en vrac dans ce livre ne germeront que dans les esprits où elles ont déjà été semées.
Nous ne ferons pas à nos détracteurs le plaisir de nous prendre en flagrant délit de contradiction, en tentant de les convaincre, ni en répondant à leurs objections.




Nos livres

Extrait 1
Extrait 2
Extrait 3
Extrait 4

observatoire médecins
observatoire visiteurs
observatoire cadres


Notre dossier : les laboratoires et leurs clients

Dialogues avec les médecins

Votre site gratuit ? Pourquoi pas ?

La boutique baromedic

Le sondage d'automne
Qui sommes-nous ?

Combien ça coûte ?
Sûrement moins que ça ne vous rapportera. Quelques jours par mois de mon temps.

La valeur d'une prestation se mesure à l'aune de son importance pour l'utilisateur.
En d'autres termes, c'est vous qui voyez.

Pour plus de détails sur nos conventions contractuelle, voir la page budgets
Pour plus de détails sur les  services. que je propose.

 

 

 

 

 


 
Accueil - Lettre ouverte - Médecins - Visiteurs - Cadres - Direction - La boutique - Votre siteVotre e-mail gratuit -
Votre forum - Questionnaires aux médecins - Théories - Nos livres - Nos sites - Qui sommes-nous ? - Nous écrire