Le
Médicament, malade de sa communication
Chapitre 3 : Demain, le grand chambardement
(troisième extrait)
Les tableaux du changement
Les principales différences entre communication linéaire et
communication cyclique commencent à nous apparaître plus clairement
maintenant.
La communication linéaire, dans la mesure où elle décrit le monde
comme un ensemble d'éléments séparés, a privilégié la description
de ce qui se passe "à l'intérieur" des différents
éléments en relation; elle a donc privilégié, en même temps, l'axe
explicatif, qui a engendré toute une floraison de concepts abstraits.
Les conceptions linéaires sont pauvres en capacités descriptives,
et s'en moquent. Elles préfèrent expliquer correctement un phénomène
que de se rendre capables de le maîtriser. Ce qui peut aboutir à des
errements assez extraordinaires dans les entreprises, quand on voit, par
exemple, les visiteurs continuer à vouloir expliquer le produit à des
médecins qui le prescrivent tous les jours, sous prétexte que les
prescripteurs n'ont pas bien compris les concepts qui constituaient leur
"message".
Les conceptions linéaires engendrent rapidement un esprit de
messianisme chez les commerciaux. On entend partout : "Voilà le
message que vous devez faire passer"; on se demande : "Les
médecins ont-ils bien compris notre message, tel que nous avons voulu
l'exprimer ?".
La fin de ce chapitre tentera de décrire ce que pourrait être la
nouvelle organisation et la nouvelle structure d'un laboratoire
pharmaceutique qui utiliserait totalement les concepts et méthodes de
la communication cyclique.
Nous nous contenterons de jeter ici quelques ponts sous la forme
d'idées, en occultant volontairement toutes les précisions qui
pourraient évoquer des opérations réelles qui sont en cours dans
certains labos. Il appartient aux dirigeants de chaque structure de
trouver eux-mêmes leur propre application des principes que nous
évoquons ici.
Pour terminer ce paragraphe, nous ferons une brève récapitulation
des principales différences entre communication linéaire et
communication cyclique. Bien que nous préconisons la suppression de
toute pensée dualiste, nous organiserons cette comparaison, pour être
plus clairs, sous la forme d'une série de paires opposées de concepts.
Ces quatorze différences fondamentales, peuvent tenir dans un simple
tableau :
LINÉAIRE |
CYCLIQUE |
Monologue |
Dialogue |
Contenu |
Relation |
Concept |
Processus |
Idées |
Mots |
Abstrait |
Concret |
Être |
Faire |
Dualisme |
Non-dualisme |
But |
Voie |
Général |
Particulier |
Explications |
Description |
Définition |
Utilisation |
Éléments |
Structure |
hiérarchie |
Égalité |
Quantitatif |
Qualitatif |
Examinons rapidement ces divers points :
1. Du monologue au dialogue
Le schéma linéaire fait circuler les informations d'un émetteur
vers un récepteur. L'émetteur est censé agir et parler; le récepteur
est censé écouter.
Le schéma linéaire n'a pas de place pour le dialogue vrai. Quand le
récepteur répond à l'émetteur, le même schéma est utilisé dans
l'autre sens : le récepteur devient l'émetteur et vice versa.
Les monologues se croisent mais ne se rencontrent pas. Chaque
partenaire d'une relation est censé agir, à tour de rôle, soit comme
un émetteur de signes, soit comme un récepteur; il est censé changer
de fonction, en changeant de rôle.
Dans ce cadre conceptuel, la communication peut être étudiée comme
un flux mesurable, allant de l'un à l'autre. La communication, est
facilement quantifiable; elle est essentiellement un contenu.
C'est le schéma bien connu de SHANNON, qui considère les individus
en relation comme des boîtes noires, remplies de tout un fatras de
connaissances et d'opinions.
Tout au contraire, la conception cyclique considère que chaque
partenaire d'une relation est à la fois émetteur et récepteur, et que
la communication interpersonnelle est un dialogue permanent, conscient
ou non.
L'émetteur et le récepteur du schéma classique, du fait même
qu'ils sont en relation, doivent être considérés comme des éléments
d'un système relationnel. L'émission d'une information n'est jamais
neutre. Quand un individu s'adresse à un autre, il ne le fait pas
seulement en fonction de ce qu'il veut dire, mais aussi en fonction de
l'idée qu'il se fait de l'autre, de l'idée qu'il se fait de la façon
dont l'autre va prendre et comprendre l'information, de l'endroit où
ils se trouvent, de ce qui s'est déjà passé entre eux deux, et de
bien d'autres choses encore. Tout émetteur n'émet qu'en fonction de
toute une série d'émissions-réceptions antérieures.
Dans toute communication à deux ou à plusieurs, même si les
partenaires n'ont pas la ferme volonté de dialoguer, "ils ne
peuvent pas ne pas dialoguer". Le schéma cyclique, bien sûr plus
complexe que le linéaire, prend en compte tous les effets de
rétroaction d'un partenaire vers l'autre, et aussi la rétroaction de
l'information vers son propre émetteur : ce que je dis me fait réagir
tout autant que ce que tu dis.
2. Du contenu à la relation
On vient de le voir, l'analyse d'une relation nous montre que la
nature des éléments à prendre en compte est au moins double : il y a,
d'une part le contenu de ce qui se dit et se fait, et d'autre part, les
idées, opinions et jugements de chacun des partenaires sur la relation
elle-même.
Il est impossible de comprendre comment s'organisent les jeux
relationnels, si l'on ne tient pas compte que "toute communication
contient, en même temps, le contenu et la relation".
Ce que je te dis, n'est pas neutre, et tu le comprendras, non
seulement en fonction de ta connaissance des mots utilisés dans ma
phrase, mais aussi en fonction de ce que tu penses de moi, de notre
relation...
Nous avons déjà étudié cet axiome de Palo Alto, et montré qu'il
est la condamnation de toute affirmation péremptoire du type
"C'est l'argumentaire qui fait vendre". Car l'argumentaire,
qui est contenu, n'existe pas sans son enveloppe relationnelle, la
plupart du temps constituée du jeu joué par le visiteur.
Pas d'argumentaire sans visiteurs, pas de visiteurs sans arguments,
c'est le couple infernal, source de maints conflits dans les
entreprises. Car, aucun des services concernés, ni les visiteurs, ni
les fabricants d'argumentaires, ne peuvent prétendre être les seuls
auteurs du succès d'un produit. Ni, d'ailleurs des échecs, mais là,
personne ne revendique.
3. Des concepts aux processus
Le schéma linéaire de la communication, en privilégiant les
individus et le contenu des messages échangés sur la relation, ira
chercher des explications aux phénomènes observés. Ces explications
se trouveront nécessairement là où on les a cherchées, "à
l'intérieur des esprits". Dans mon argumentaire, j'explique en
quoi mon produit est original, or, le médecin prescrit; donc, mon
argument a déclenché "en lui" une réaction psychologique,
laquelle à son tour... Ici, on invente des mots, on explique qu'il y
avait un besoin inconscient... Bref, c'est parce que, dans la tête des
gens, il existe des lois psychologiques expliquant leurs comportements,
que tel argument a pu aller "toucher" un des engrenages
décisifs.
A partir du moment où l'on a accepté ces prémisses, il sera
possible de confectionner une belle pièce montée, faite de concepts
encastrés les uns dans les autres, s'auto-justifiant entre eux,
construction parfaitement logique qui aura comme seul inconvénient
celui de ne reposer sur aucune sorte de réalité.
La communication cyclique étudie des processus, encore une fois
c'est la démarche de Palo Alto, comme le dit WATZLAWICK en présentant
cette école :
Nous étions ainsi formés à nous intéresser aux processus
plutôt qu'aux contenus, à l'ici - maintenant plutôt qu'au passé.
(Une logique, p.13)
L'étude des processus de la communication possède l'inconvénient
majeur d'être infiniment plus complexe que l'étude à partir des
concepts. Maintenant, on ne peut plus dire n'importe quoi, on ne peut
plus jouer avec les mots. Car un processus se décrit, alors qu'un
concept s'invente.
Mais, attention, les pièges nombreux et les tentations sont fortes
de décrire des processus à l'aide des concepts abstraits qui nous sont
familiers. Devant une scène où l'on voit un médecin écouter
attentivement un visiteur, et lui poser une question du style :
"Mais, peut-on donner ce produit à trois gélules par jour
?", la tentation est forte d'interpréter et d'inventer une
quelconque raison du médecin d'avoir posé cette question : peur
d'avoir des effets secondaires, désir de frapper fort, désir de garder
ce produit pour les indications sévères... et, ensuite de considérer
ces interprétations personnelles comme des faits, des paroles ayant
été réellement prononcées par les médecins.
Notre démarche sera de recenser les comportements rencontrés, et
d'étudier si ceux-ci ne sont pas plus fréquents après certains propos
de visiteurs. Bref, nous étudierons des flux de mots, de gestes, des
échanges réels, et suivrons le cours de ces fleuves verbaux jusqu'à
leur embouchure, pour voir s'ils débouchent sur une prescription ou
non.
Notre démarche est d'aboutir à une carte "fluviale" des
principales séquences possibles de communications au sein d'un système
donné, ici la visite médicale. Nous remarquerons souvent que la
fameuse "explication" d'un élément particulier de ces
séquences (une question, une réaction), se trouve dans le fait même
qu'un autre élément a été donné précédemment. Comme le dit
WATZLAWICK, et comme nous l'avons déjà étudié en parlant de l'axiome
de la ponctuation :
Dans une séquence de communication, tout échange de messages
restreint le nombre d'échanges suivants possibles.
L'étude systématique des processus de communication entre des
visiteurs et des médecins, pourra nous donner une carte authentique du
terrain. Alors, seulement, nous pourrons commencer à tracer des plans
de campagne, et décider des stratégies de combat.
Toute prescription nouvelle, correspondra, chez un médecin
particulier, au fait concret d'avoir réussi à lui faire prendre
d'autres chemins, d'avoir créé d'autres processus en lui.
Pour provoquer un changement dans la réalité qu'un individu
s'est construite, il faut d'abord, dans une certaine mesure,
connaître cette réalité. Mais, à cette fin, poser des questions
directement ne sert pratiquement à rien. Toute description suppose
que l'on sorte du cadre de ce que l'on veut décrire. Autrement dit,
afin de pouvoir faire une description, l'individu concerné devrait
se tenir en dehors de la réalité qu'il a construite et, de ce
fait, la voir comme une réalité parmi beaucoup d'autres. Or, c'est
précisément quelque chose dont nous sommes tous incapables. (Les
cheveux du Baron de Münchausen, p.130)
4. Des idées aux mots
Nous avons vu, en étudiant la sémantique générale de KORZYBSKI,
que la carte était composée de concepts et de mots, par opposition au
territoire, domaine des faits et des événements.
On pourrait donc penser que ce n'est pas un changement important de
passer de l'intérêt porté aux concepts à l'intérêt porté aux
mots. On peut toutefois admettre que, dans la conception traditionnelle
des rapports de l'idée aux faits, les mots constituent, en quelque
sorte, une courroie de transmission, un maillon intermédiaire.
On ne sait pas toujours très bien si les mots représentent une
certaine réalité, ou s'ils ont été inventés pour véhiculer des
concepts. Il est certain que le langage se situe à un niveau
d'abstraction inférieur par rapport aux concepts qu'il est censé
évoquer.
Toujours pour la conception classique, - c'est-à-dire celle qui est
majoritaire actuellement - tout se passe comme si le mot
"haine" était différent du concept de "haine", et
que, ces deux niveaux sont à leur tour plus abstraits que la haine que
l'on peut ressentir concrètement à un moment donné pour une personne
particulière.
S'il y avait une guerre entre les mots et les idées, nous nous
engagerions dans l'armée des mots sans hésiter. Car, c'est pour nous
le parti du moindre mal. L'étude des mots, et l'analyse du langage (que
nous étudierons au chapitre 4), nous permet d'aborder une meilleure
connaissance des processus, ce qui n'est pas le cas de l'étude des
concepts. Nous verrons au chapitre suivant comment l'étude du concept
de "démocratie" ne peut que nous entraîner dans des puits
sans fonds, et nous enfoncer dans un marais de concepts sans réalité,
où "démocratie" s'expliquera par d'autres concepts tout
aussi dépourvus de sens que lui-même, tels que "dignité",
"liberté"...Alors qu'une étude scientifique du mot
"démocratie", de son utilisation concrète, dans des phrases
réelles, nous donnera de précieuses informations, sur la façon dont
les gens qui utilisent ce mot pensent, sur le sens véritable de ce mot.
Si l'on veut bien oublier une seconde l'idée que le mot doit
représenter une quelconque réalité, on peut considérer également
que le mot peut momentanément faire partie du territoire, en tant
qu'élément concret d'une chaîne de communication.
Bien qu'ils fassent partie de la carte, les mots permettent de
connaître intimement celui qui les prononce, alors que les concepts ne
peuvent que nous faire connaître le degré d'ingéniosité de leur
inventeur. Quand il s'agit de connaître les médecins pour mieux
s'adresser à eux, nous préférerons étudier leur langage que leurs
réponses à des questionnaires d'opinion qui ne peuvent nous donner
qu'une liste non valide de concepts..
5. De l'abstrait au concret
La communication linéaire appartient au monde de la carte, au monde
des concepts abstraits. Les soi-disant "lois" de la
communication classique ne sont, finalement, que des actes de foi. C'est
parce que l'on croit généralement qu'il existe une
"psyché", et que cette psyché possède des qualités
discernables, qu'on a pu créer une "pseudo-science" appelée
psychologie. Et c'est parce qu'on croit que les lois psychiques
existent, au même titre qu'existe le chien qui vient de nous mordre,
que l'on peut inventer autant de mondes abstraits qu'il y a de petits
génies inventifs.
Toute phrase composée de mots abstraits, aussi agréable soit-elle
à composer (ce livre en est truffé) ou à entendre, restera du domaine
de la poésie ou de la philosophie, définie dans le sens de
WITTGENSTEIN, comme étant simplement du bruit avec la bouche.
Au niveau de la carte, il existe la possibilité de créer des
structures de concepts, de plus en plus complexes, chaque élément de
cette structure pouvant devenir sans difficulté la marche explicative
de concepts nouveaux. Une structure, quelle qu'elle soit, possède
l'apparence d'une plus grande solidité qu'un seul argument isolé.
Un système est toujours cohérent. FREUD a mis sur pied un système
explicatif du monde tout à fait cohérent. MARX aussi, et beaucoup
d'autres encore. Au sens strictement logique du terme, il n'ont pas
commis d'erreur de raisonnement. L'erreur fut de croire que ces
créations abstraites étaient des réalités applicables dans des
sociétés réelles.
Les systèmes abstraits ont peu de chances d'être contestés car ils
semblent inébranlables. Car autant il semble facile à tout un chacun
de contester un seul élément isolé d'un système, comme on attaque
facilement un fantassin égaré chez l'ennemi, autant, peu de gens sont
capables et assez aventureux pour attaquer un système de pensée
faisant partie de l'idéologie dominante de leur époque..
Le présent livre, tout en prenant comme exemple l'industrie
pharmaceutique, a pour but de présenter un nouveau système de pensée
qui remet totalement en question les bases mêmes de notre culture. En
attaquant, non seulement la primauté de l'abstrait sur le concret, mais
encore en niant la nécessité même de conserver une manière abstraite
de penser, nous nous attaquons à l'ensemble de l'épistémologie
occidentale.
C'est la nature même des systèmes qui nous contraignent à
délaisser toutes les solutions réformistes pour leur préférer des
solutions radicales et révolutionnaires. Car attaquer un seul élément
d'un système, c'est par transitivité, attaquer rapidement tout le
système. Une bonne illustration fut l'évolution des sociétés dites
communistes, qui, à partir du moment où elles ont accepté vraiment
(pas seulement en paroles) quelques éléments d'un autre système, sous
la forme du libre accès à l'information, d'un début de libre
entreprise, ont dû, plus rapidement qu'on ne pouvait le penser
(compte-tenu de notre propre opinion subjective sur ces régimes que
nous considérions comme éternels), accepter de se démettre
totalement.
Nous pensons que l'entreprise est un excellent terrain pour montrer
la possibilité de créer des structures et des méthodes basées sur
une analyse des processus du territoire, et montrer que l'on peut
raisonner en faisant appel le moins souvent à des concepts abstraits.
En effet, l'entreprise poursuit généralement des buts plus faciles
à définir qu'un individu : une entreprise veut réussir, gagner plus,
et mieux communiquer. Une entreprise n'a pas - ou ne devrait pas avoir -
d'état d'âme. C'est pourquoi nous sommes confiants en l'avenir : nous
savons que les entreprises seront de plus en plus nombreuses à opérer
des changements 2, en adoptant des schémas cycliques pour l'ensemble de
leurs opérations commerciales.
Les problèmes plus ardus concernant la vie en commun restent
entiers. Car si l'entreprise veut des choses simples : plus de chiffre
et plus de bénéfices, que veut l'individu moyen ? Le bonheur ? Là,
nous nous trouvons dans les hautes sphères de l'abstraction et devant
un but mal défini. Ce sera l'objet de prochaines recherches.
6. De l'être au faire et au paraître
Encore une fois, disons-le, notre malheur est d'avoir écouté PLATON
et ARISTOTE plutôt que PARMENIDE et HERACLITE. Mais comme c'est
tellement vieux, et qu'on ne tient pas le coupable, alors tout le monde
s'en fout.
Pourtant, les orientaux, qui ont eu d'autres maîtres à penser, ont
depuis toujours l'insigne avantage de ne pas s'encombrer de toute une
série de "faux problèmes", comme, par exemple, celui de
l'opposition entre l'être et le paraître.
Si l'on croit que l'être en soi existe, alors se pose
nécessairement la question de l'adéquation entre celui-ci et ses
manifestations, vues comme superficielles, de la vie de tous les jours.
Il a fallu inventer les niveaux de profondeur, - géniale invention
reprise par papa FREUD - pour expliquer, qu'un méchant homme dans ses
actions, pouvait être "dans le fond", un brave type.
Gardons ce sujet pour une autre fois. L'axiome fondamental de notre
système de pensée, en niant le moi en soi, a définitivement résolu
le problème : tout est paraître en ce bas monde, qui est notre
territoire d'action. Seul compte ce que nous faisons réellement.
7. Vers la suppression des dualismes
Les textes orientaux font référence en permanence à la lutte
contre toute forme de pensée dualiste. Le symbole du yin et du yang,
enchevêtrés, est là pour nous faire comprendre, que non seulement il
y a le yin et le yang (ce qui serait encore un dualisme), mais que le
yin n'existe pas sans le yang et vice-versa, et, encore plus difficile
à comprendre pour nous que le yin est aussi le yang et que le yang est
aussi le yin.
Dans notre conception linéaire de la communication, directement
enfantée par la philosophie aristotélicienne, nous ne pouvons penser
que par dualismes. Tous ces dualismes nous portent un tort
considérable, car ils nous habituent à l'idée que, sans eux, point de
salut. Nous sommes devenus presque totalement incapables de penser en
termes de nuances, en termes de changements permanents.
Les dualismes fixent la réalité qui est pourtant mouvement
permanent, ils nous éloignent donc de plus en plus du jour où notre
langage sera capable d'appréhender la réalité des faits.
Nous avons évoqué, dans ce livre, les principaux dualismes qui
handicapent et paralysent la pensée dans les entreprises. Citons-en
quelques uns en vrac : le marketing et les ventes, le siège et le
terrain, l'émetteur et le récepteur, le quantitatif et le qualitatif,
le visiteur et le médecin, les mots et les idées, la mémoire visuelle
et la mémoire auditive, l'argument positif et l'argument négatif, le
monologue et le dialogue, le bon et le mauvais collaborateur, le bon et
le mauvais argumentaire, le vendeur courageux et le vendeur fainéant,
le visiteur intelligent et le visiteur borné, les qualités de l'homme
et celles de la femme, le produit et ses concurrents.
Nous croyons à la nécessité de créer dans les entreprises, un
management non-dualiste. Ce sera difficile.
8. Du but vers la voie
Développer ce point nous entraînerait loin du sujet principal de ce
livre, dans les eaux bourbeuses de la philosophie. Disons simplement que
pour l'homme occidental, le plus important est de bien définir les buts
qu'il doit poursuivre dans son existence, buts définis comme des
objectifs à atteindre. Cette conception conduit rapidement à des
compétitions avec soi-même et contre les autres. "Toujours
plus" est la devise implicite à beaucoup d'entreprises, et à
beaucoup d'individus quand ils abordent une activité, même de loisirs;
toujours plus de kilomètres à vélo, toujours plus de plage, tout
aussi bien que toujours plus d'argent, et de n'importe quoi d'autre vers
les limites de leurs capacités.
Pour l'esprit oriental, la voie est plus importante que le but, ce
dernier constituant en quelque sorte ce que l'on obtient en plus. Nous
dirions, pour rester dans le sujet du médicament, que le but atteint
est l'effet secondaire d'une voie bien menée.
Pour nous, la vie doit avoir un sens; dire que la vie n'a pas de sens
correspond à peu près à se dire malheureux. On doit donc avoir des
buts dans la vie, c'est ce qu'on nous apprend dès l'enfance, à la
maison et à l'école. Cette prémisse nous habitue à voir toute
escalade en montagne comme une action pénible dont la récompense sera
l'arrivée au sommet. C'est-à-dire qu'on passe le plus clair de son
temps à souffrir, en espérant que le plaisir de la récompense sera à
la hauteur de la souffrance. Et, une fois atteint le but, comme le
développe bien SCHOPENHAUER dans toute sa philosophie, on est
rapidement malheureux de s'apercevoir, d'une part que c'était mieux
dans nos rêves, et que, d'autre part, il nous faut maintenant nous
donner vite un autre but, si l'on ne veut pas s'ennuyer. On passe ainsi
de la souffrance à l'ennui, et de l'ennui à la souffrance.
Pour les orientaux le plaisir est dans la marche vers le sommet, pas
dans l'arrivée. Comme le plaisir est dans la recherche, pas dans ce que
l'on trouve. Il est infiniment plus enthousiasmant de chercher le grand
amour (même si c'est en soi une utopie) que de croire l'avoir trouvé.
Car, alors les déceptions ne vont plus tarder à pleuvoir.
Pour les orientaux, la vie n'a pas de sens, et aucun but ne mérite
qu'on s'y attache. Une phrase typiquement zen sera : "on ne trouve
que si l'on ne cherche pas". C'est une phrase que l'on peut
rencontrer chez tous les mystiques. Vivre, c'est explorer des voies,
c'est cheminer dans des sentiers. En entreprise, c'est faire des
expériences, c'est faire évoluer en permanence les structures, les
processus relationnels, c'est chercher un système le plus équilibré
possible. Cette recherche constante, qui doit être le défi de tous les
collaborateurs de l'entreprise, conduira, en même temps, et même sans
l'avoir consciemment cherché, au succès commercial.
Utopie ? Essayez donc, avant de baisser les bras.
9. Du général au particulier
Il n'est plus nécessaire de revenir sur ce point capital : les
conceptions classiques de la communication et du marketing ne peuvent
que jongler avec des concepts abstraits. Notre proposition est de
procéder à des analyses de séquences concrètes, de les classer selon
leur degré de réussite et de créer des méthodes permettant de
reproduire le plus souvent les processus à succès et permettant
d'effacer de l'esprit des mauvais vendeurs, les processus à échecs.
En partant de l'idée que toute séquence est unique, on risque moins
de faire de grosses bêtises qu'en partant de l'idée contraire selon
laquelle tous les clients, tous les médecins, toutes les femmes, tous
les patrons...sont les mêmes.
En réalité, une étude assez approfondie, sur un nombre de cas
important de séquences relationnelles entre, par exemple, des visiteurs
et des médecins, nous apprendra rapidement, que, si à un certain
niveau très fin d'analyse, toutes les séquences sont différentes, il
est toutefois possible de les classer selon des critères pragmatiques.
Mais cela constitue le fondement de notre méthode de travail, et
nous n'avons pas l'intention d'en dévoiler tous les mécanismes dans un
livre.
10. De l'explication à la description
Une des idées-forces de ce livre, une des plus difficiles à faire
admettre en général, nous affirme qu'une bonne description vaut plus
qu'une explication, aussi ingénieuse soit-elle ? C'est aussi le point
de vue de l'école de Palo alto, pour les problèmes dits de
"psychothérapie" :
Ainsi nous en tiendrons-nous à une réponse qui est plus une
description qu'une explication, c'est-à-dire que nous nous
demanderons comment, et non pourquoi, fonctionne un système en
interaction. (P.WATZLAWICK)
D'ailleurs peut-on dire d'une description qu'elle est ingénieuse ?
On peut dire d'elle qu'elle est plus ou moins exacte, toujours en vertu
de la croyance (fausse de notre point de vue) qu'il existe une
"réalité réelle".
Ainsi, l'homme peut-il créer, à propos de n'importe quel sujet, des
modèles explicatifs ou des modèles descriptifs. On remarque que notre
façon de penser le monde privilégie les modèles explicatifs. Il
suffit de lire les journaux - ou d'aller assister à des cours à
l'université - pour se rendre compte à quel point notre ingéniosité
à inventer des modèles explicatifs est quasi illimitée. L'homme
contemporain est capable de tout expliquer, même à la télévision, de
la disparition des dinosaures à la montée du Front National, en
passant par les changements de climats, la recrudescence des divorces,
et la chute de l'empire soviétique que tous les journalistes avaient
prévue (après coup, bien sûr).
Il faut savoir que c'est à la portée de n'importe qui d'expliquer
quoi que ce soit, d'ailleurs n'importe qui ne s'en prive pas. Nous
n'aimons pas les explications pour au moins deux raisons.
La première est que les explications n'expliquent rien du tout,
elles ne sont, dans le meilleur des cas qu'un point de vue personnel,
même s'il est partagé par toute une communauté. Les explications sont
des tentatives naïves de faire correspondre à des éléments du
territoire, (les événements), des éléments de la carte. Un fait
non-expliqué, pour un Occidental, est comme une épine au pied.
La deuxième raison, plus importante sur le plan pragmatique, est
qu'une explication est comme une grosse valise : elle empêche d'aller
plus loin. On pose sa valise en donnant son interprétation du monde, en
montrant bien qu'on n'a pas l'intention d'aller plus loin, chercher par
exemple une meilleure explication. L'explication d'un fait est un point
final donné à un exercice de réflexion.
Quel que soit le sujet abordé : le domaine politique, l'éducation
des enfants ou, ici, la marche des entreprises et la vente des
médicaments, nous lutterons contre tous les systèmes explicatifs, car
ils engendrent immobilisme et obscurantisme.
Revenons à l'exemple du directeur régional qui sait pourquoi tel
produit ne se vend pas dans sa région, il sait donc, en même temps,
pourquoi ce produit "ne peut pas" se vendre, et c'est parce
qu'il sait - ou croit savoir - qu'il ne peut plus entreprendre quoi que
soit de neuf pour s'en sortir.
Les modèles descriptifs, quant à eux, sont très décevants de
prime abord; ils montrent comment les faits se sont succédés, ils
montrent où se trouvent les engrenages, et la quantité de rouille qui
s'est accumulée dans le système. Ils ne savent pourquoi cette rouille
est là, mais ils savent comment l'enlever; alors, où se trouve le vrai
problème ?
Notre civilisation, basée sur la noblesse de la pensée abstraite,
ne tolère les systèmes descriptifs que dans le domaine des techniques
et des sciences dites secondaires. Quand on appelle son mécanicien
parce que l'auto fait des siennes, on est bien content de savoir que ses
connaissances sont constituées d'ensemble de modèles descriptifs. Il
sait comment ça marche, et trouvera la panne. Il est curieux d'ailleurs
de constater que les solutions trouvées au sein de modèles
descriptifs, sont en même temps des solutions explicatives. Le
mécanicien en trouvant que les vis platinées étaient mortes, a par
là même trouvé pourquoi l'auto ne démarrait plus ? Il a cherché
comment, et a trouvé pourquoi ?
Mais, si nos modèles explicatifs ne trouvent rien, c'est parce
qu'ils cherchent les pourquoi d'abord. Du pourquoi au comment, il n'y a
pas de chemin.
11. De la définition à l'utilisation
Si les éléments d'un système existent en soi, alors on doit
pouvoir les définir, c'est-à-dire énumérer les caractéristiques qui
permettent de les reconnaître.
Or, il se trouve que les caractéristiques de tous les éléments
d'un système vivant, en constante interaction avec son environnement,
se situent dans des mouvements. Un élément, au repos, ne peut plus se
définir. Moi, seul dans une pièce vide, contraint de ne rien faire
pendant de longs jours, ne parlant à personne, on peut dire que,
pendant ce temps-là, je n'existe plus en tant qu'individu. Car, mon
existence c'est avant tout l'ensemble des relations que j'entretiens
avec les autres, et avec des objets familiers tels que livres,
ordinateurs...
Toute définition, pour être compréhensible à ceux qui ne
connaissent vraiment pas l'objet à définir, se doit d'utiliser la
technique de l'exemple. Or, l'exemple a pour but de mettre l'objet à
définir en situation concrète, à montrer donc comment on l'utilise.
Nous avons vu cela, et les linguistes savent bien que les enfants
n'apprennent pas le langage dans les dictionnaires, mais par
compréhension du contexte, donc par la façon dont sont utilisés les
mots nouveaux.
Connaître quelqu'un, connaître le sens d'un mot ou connaître la
définition d'un objet, c'est connaître et comprendre comment il
fonctionne au sein du système qui est le sien : une famille, une phrase
ou un quelconque ensemble.
Choisir la voie de l'utilisation n'est pas rompre complètement avec
toute forme d'abstraction ni de généralisation. Nous disons simplement
que nous sommes plus près du territoire, plus près d'aboutir à des
solutions concrètes, en étudiant comment le mot "efficace"
est utilisé par les médecins à propos de tel médicament, plutôt que
de partir du sens "profond" du terme lui-même.
12. Des éléments à la structure
Il n'est pas nécessaire d'être un maître en systémique, pour
comprendre qu'un système (à moins que "système" ne soit
qu'un simple mot à la mode), doit se concevoir comme un ensemble,
composé d'éléments, en relations entre eux selon des règles
convenues, et que cet ensemble possède une frontière avec son
environnement avec lequel il est ou non en interaction, et que, pour
être vivant, ce système doit disposer d'un flux d'information interne
obéissant lui-même à certaines règles.
L'optique systémique remet, en quelque sorte l'élément à sa bonne
place, celle d'un paramètre secondaire dans le système. Un système
sera défini plus par sa structure relationnelle que par la description
des éléments qui le composent.
Prenons un exemple : une famille ne sera pas seulement constituée
d'éléments faciles à énumérer : le père, la mère, les deux
enfants..., mais par les relations qu'ils entretiennent entre eux, et
aussi par le système de relations qu'ils ont l'habitude d'entretenir
avec les différents environnements qu'ils côtoient (autres familles,
amis des enfants, copines de la mère, école...)
Dans cet ensemble de relations vivantes, un seul élément, le père
par exemple, ne sera plus jamais le père en soi, mais sera étudié en
tant que père de ses deux enfants, mari de la femme, ami du voisin de
palier, parent d'élève...
Là encore, il ne faut pas tomber dans le piège du "Qui suis-je
?" en se demandant où se situe le vrai père, car il n'est aucune
part. Le père, est l'ensemble des relations qu'il entretient avec tout
le monde, et il n'y a aucune raison de privilégier le parent d'élève
ou l'adhérent à tel parti, plutôt que le mari ou l'amant de sa
secrétaire.
L'ennui des études de structures, comme pour l'étude des processus,
est qu'elles se présentent comme de nature plus complexes. L'ennui
aussi est qu'elles nous montrent rapidement la nécessité de faire
"un saut dans le vide", car toute structure considérée comme
un tout possède son environnement, lui-même structure encore plus
complexe, et ainsi de suite jusqu'au cosmos dans son ensemble.
L'analyse structurale, donc, bien que plus proche du territoire que
de la carte, reste cependant relativement abstraite, car toute structure
est un découpage de la réalité, une invention de plus.
Le zen nous le dit : le monde est illusion.
Mais cela nous ne sommes pas prêts à l'entendre.
13. De la hiérarchie vers l'égalité
Nous avons développé au chapitre 2 l'idée qu'une partie des
mauvais rapports entre les services marketing et de ventes, venaient de
la nature complémentaire, donc hiérarchique, de leurs relations.
Nous avons vu également qu'il était malsain de confondre contenu et
relation, et que beaucoup de "problèmes "relationnels
provenaient du fait que les tentatives de résolution n'étaient pas
appliquées au bon niveau.
Il nous est évident que les relations dans les entreprises
occidentales, sont empoisonnées par l'idée erronée que le chef doit
toujours avoir raison. Le chef se doit de savoir tout mieux que ses
collaborateurs (collaborateurs = subordonnés), ce qui est rapidement
impossible.
On peut être le chef, sur le plan relationnel et être le moins
savant sur chacun des travaux que les subordonnés savent exécuter. Le
chef est alors celui qui rassemble, et sans qui l'orchestre jouerait
faux. Demande-t-on à un chef d'orchestre de jouer de tous les
instruments aussi bien que ses musiciens ?
De même, le marketing peut continuer à rassembler des informations,
les analyser scientifiquement, sans pour autant se sentir obligé
d'adopter une position de commandement vis-à-vis des ventes.
Il n'est pas dans notre intention de développer plus avant ce
thème. Il n'en reste cependant pas moins évident qu'il n'y aura pas de
vrai changement dans nos entreprises, sans la suppression radicale d'un
grand nombre d'échelons intermédiaires dans les hiérarchies
actuelles, toujours trop lourdes. Il n'est rien de plus nocif, de plus
réactionnaire (au sens d'empêcher toute évolution), que ce qu'on
appelle "les petits-chefs", ceux-là mêmes qui croient tout
connaître parce qu'ils ne sont pas montés assez haut pour avoir de la
montagne une vue globale, et pouvoir relativiser le petit rocher qui est
devant eux et leur bouche l'horizon.
Il n'est pas de changement 2 sans une véritable révolution, et, à
notre sens, il n'est pas de vraie révolution dans un système sans une
suppression quasi complète des hiérarchies. Le respect de la
hiérarchie, dans les entreprises, est le véritable frein qui s'oppose
à toute innovation, non pas parce celle-ci ne tient pas la route, mais
tout simplement parce qu'elle est nouvelle.
Si l'on veut, par exemple, changer la visite médicale, il faut
s'adresser d'abord à ceux qui ont des idées. Il y a gros à parier que
le plus grand réservoir d'idées se trouve chez les visiteurs
eux-mêmes, aidés de certains régionaux restés près du terrain,
ainsi que chez les médecins. Mais, les structures actuelles sont-elles
prêtes à recevoir ces idées, à les faire mûrir, et à les
transformer en systèmes nouveaux de communication ? Certainement pas
dans la plupart des laboratoires.
Ne voit-on pas souvent dans notre position de conseil extérieur, que
nos recommandations, recoupent parfaitement certaines idées déjà
émises par des personnes de l'entreprise (car le bon sens est partout),
mais que l'on avait fait taire sous prétexte que ces idées étaient
entachées du syndrome d'utopie, ce qui est une façon de ne pas dire
plus clairement : "Vous ne pouvez avoir raison contre nous, car,
hiérarchiquement, vous nous êtes inférieur", ou encore :
"Ce n'est pas dans votre fonction d'avoir des idées".
N'est-ce pas, sous une forme, le même type de phrases que : "La
France n'a pas besoin de savants" ou "Vous avez tort parce que
vous êtes légalement minoritaires", phrases dont la France n'a
pas fini de s'enorgueillir.
Nous ne préconisons pas la suppression de toute hiérarchie, ce
serait là une vraie utopie basée sur des idées naïves et anarchiques
d'auto-gestion, ou de "paradis sur terre". Nous disons
seulement qu'au delà d'une hiérarchie minimum mais nécessaire, la
vraie hiérarchie dans une entreprise doit rester celle des
compétences. Et que, à ne pas respecter cela, on continuera à
observer un grand gaspillage de forces vives, et l'on assistera à la
pérennité de l'immobilisme. Et comme, pendant ce temps-là,
l'environnement, - et d'autres entreprises plus souples, plus
innovatrices, - évoluent, un grand nombre d'entreprises vont bientôt
se trouver au bout de l'impasse et sans possibilité de faire demi-tour.
Enfin, après plus de deux millénaires d'errements, Héraclite
finira par avoir raison.
14. Du quantitatif au qualitatif
Nous avons longuement étudié cela en début de chapitre, nous
n'allons pas y revenir.
La principale notion à rappeler est que l'opposition quantitatif
contre qualitatif, est elle-même un dualisme et qu'il faut donc s'en
méfier.
Le terme "qualitatif" est encore un terme abstrait, il
appartient à nos cartes verbales respectives, et signifie des faits
très différents selon les individus. La notion de qualitatif, doit
être défendue cependant, ne serait-ce que provisoirement, pour aller
au combat contre les adeptes du quantitatif à outrance, ceux qui
mesurent nos sentiments et nos performances, ceux qui nous sondent en
permanence et qui passent à côté de tout ce qui est vivant, faute
d'utiliser les bons instruments.
Mais, il faudra donner du mot "qualité", non pas une
définition (voir paragraphe plus haut), mais lui attribuer une
utilisation précise, au sein d'actions précises. Nous l'avons vu, dire
à un réseau de visite : "Faites de bonnes visites
qualitatives", est une consigne à laquelle il est impossible
d'obéir, faute de savoir
De quoi il s'agit. La bonne consigne serait de dire, par exemple :
"Quand un médecin vous dit ne pas prescrire un produit qu'il
connaît bien, parce que tout simplement, il en préfère un autre,
laissez-le tranquille, et ne lui parlez plus de ce produit pendant au
moins un an".
Un laboratoire qui désire choisir la voie du qualitatif, doit
pouvoir lister, dix, cent, mille situations concrètes que rencontrera
le visiteur tous les jours, et indiquer, à chaque fois, ce qui
correspond à une consigne "qualitative". Sinon, cela ne veut
strictement rien dire.
Comment réagirait un automobiliste devant un panneau blanc portant
la mention : "Respectez strictement ce panneau". Un haussement
d'épaules dites-vous ? C'est exactement ce que font tous les bons
visiteurs en réponse à des consignes paradoxales.
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