Le Médicament, malade de sa communication
Chapitre 3 : Demain, le grand chambardement
(deuxième extrait)
Description générale de la communication cyclique
Jusqu'à présent toutes les tentatives pour
améliorer la communication entre les laboratoires et les médecins, ont
été faites en cherchant à améliorer "quelque chose" dans l'esprit
d'un des maillons de la chaîne : visiteur ou médecin.
La philosophie sous-jacente à toutes ces tentatives comporte l'idée
que les éléments moteurs d'une relation sont dans les individus concernés
par cette relation. Autrement dit, pour expliquer une relation, il faut,
avant, comprendre comment fonctionnent les partenaires de celle-ci.
Si la relation entre A et B est dite "mauvaise" ou "malade",
c'est parce que, par exemple, A est névrosé, ou que B est fondamentalement
méchant. Donc, parce que A ou B (ou les deux) possèdent, en eux, quelque
part (mais on ne saura jamais où), une propriété explicative des mauvais
rapports qu'ils entretiennent.
La cybernétique, dès qu'on a commencé à vouloir l'appliquer aux relations
humaines, a été une véritable révolution, comme le dit WATZLAWICK :
Le seul fait
de passer d'une pensée dont le pivot est l'individu à une conception
où l'individu apparaît comme un système partiel suscite une résistance
comparable sans exagération à celle qui s'est opposée au passage
de la conception géocentrique à la conception héliocentrique de
notre système solaire. (Changements, p.148)
Révolution pour l'instant aristocratique, dans la mesure
où la plupart des gens dits "cultivés" continuent à raisonner
dans leur vie quotidienne et professionnelle comme si cette révolution
n'avait pas eu lieu. Bienheureux hommes d'affaires qui ignorent que
Louis XVI a été guillotiné. Ou plutôt ici Descartes et consorts.
Dans l'optique cybernétique qui est celle de la Communication Directive
et de Palo Alto, la relation prime les éléments de celle-ci. Autrement
dit, si l'on arrive à comprendre une relation, c'est-à-dire à poser
en équations la façon dont celle-ci fonctionne, sans jugement normatif,
alors on peut intervenir pour la modifier si nécessaire. On peut "guérir"
une relation malade, si l'on a découvert les engrenages qui décrivent
son fonctionnement. Mais admettre que ce soit les engrenages qui soient
déficients, c'est admettre aussi que la déficience n'est pas au niveau
des éléments liés par cet engrenage.
Pour une conception cybernétique de la relation, la communication est
un ensemble de chaînes reliant des individus; ce sont ces chaînes qui
rouillent, et qui, parfois, cassent.
Dans la conception traditionnelle de la communication, quand on dit
qu'une relation est "malade", l'on attribue généralement aux
éléments, les individus d'un système, la propriété d'être "sain"
ou "malade" :
Dès que l'on
a attribué certaines propriétés à la monade humaine, il parait tout
à fait raisonnable d'y recourir pour y trouver des principes d'explication
du comportement... Ces notions qui s'obscurcissent à mesure qu'on
les étudie, s'apparentent à des chimères... ( Le Baron, p.14)
Plus on étudie et recherche les explications "à
l'intérieur" des individus, plus on s'aperçoit que ces individus
ne possèdent pas d'intérieur. Seul l'aveuglement dû à 2000 ans d'habitudes
de pensée empêche de voir cela clairement.
Pour notre propos ici, cela signifie que l'amélioration de la relation
labos-médecins, ou pour parler de la communication au niveau du territoire,
de la relation visiteurs-médecins, passera par une étude systématique
de cette relation, sans prendre en compte les éventuelles "personnalités"
des visiteurs et des médecins.
Dans le cadre de leur relation, nous dirons, fidèles aux axiomes de
base de la communication cyclique, que le visiteur n'existe que par
rapport aux médecins qu'il visite, et que les médecins n'existent que
par rapport à ces visiteurs.
C'est ici l'illustration d'un des corollaires de l'axiome fondamental
: le moi du visiteur et le moi du médecin qui est en face de lui, n'existent
pas en soi.
La relation visiteur-médecin, comme toute relation, est un continuum
d'actes et de comportements, chacun influant l'autre. Attention là encore,
la vieille méthode nous attend pour saboter notre tentative d'en sortir.
Quand nous étudions une relation, nous sommes toujours tenter de la
ponctuer, en cherchant à savoir, comme nous l'avons tous fait, gamins,
"qui a commencé".
Comme nous croyons
que, dans toute interaction humaine (et à tous les niveaux, aussi
bien s'agissant d'une famille que d'une entreprise commerciale ou
d'un système politique), la causalité n'est pas linéaire et unidirectionnelle
mais circulaire, nous essaierons de ne pas nous embrouiller, au
cours des exemples qui suivent, dans la querelle de la poule et
de l'œuf. (Changements, p.58)
Ce qui signifie que nous nous serons fourvoyés chaque
fois que nous nous surprendrons à nous poser des questions stupides
du genre : "est-ce la faute du visiteur si le médecin s'est fâché,
ou est-ce la faute du médecin si le visiteur a perdu ses moyens ?"
Il nous faudra apprendre à considérer l'ensemble visiteur-médecin comme
un tout indissociable, ou mieux encore l'ensemble Visiteur- Contenu
de la relation - Médecin comme un tout :
Il nous paraît
non seulement permis mais indispensable de comprendre la triade
émetteur - signe - destinataire comme la plus petite unité constitutive
en toute recherche pragmatique, et de la considérer comme indivisible.
(Le baron, p.11)
Le concept principal de la cybernétique, celui qui a
permis à Gregory BATESON, de découvrir un des grands principes descriptifs
des sociétés humaines, c'est celui de rétroaction. (ou feed-back, pour
les intoxiqués du franglais).
La rétroaction, ou action en retour, remplace la causalité linéaire
dans laquelle A est la cause de B, par la causalité cyclique ou circulaire,
ou tour à tour A et B peuvent être considérés comme causes et effets.
On a dit justement
de la rétroaction qu'elle était le secret de l'activité naturelle.
Les systèmes à rétroaction ne se distinguent pas seulement par un
degré de complexité quantitativement plus élevé; ils sont également
qualitativement différents de tout ce qui relève de la mécanique
classique. Pour les étudier, il faut de nouveaux cadres conceptuels.
(Changements, p.27)
La communication interindividuelle à deux ou à plusieurs,
peut se considérer comme un système à rétroaction; à chaque instant,
toute action de l'un influe sur le comportement de l'autre et vice versa.
Si l'on veut décrire correctement un élément comportemental d'un individu
au sein de ce système (une phrase, un geste..), il faut tenir compte,
à la fois, de la vision intime que cet individu possède des relations
qu'il entretient avec l'autre, de la vision intime qu'il possède de
ce qu'il croit être la vision intime de l'autre, de la réaction au dernier
coup joué par le partenaire, du but qu'il s'est fixé, du choix d'actions
possibles qu'il possédait...
Il nous manque un livre consacré à la mise à jour d'un modèle descriptif
de la relation humaine. Contentons-nous ici, de montrer la complexité
des problèmes d'analyse d'une inter-relation, en reprenant, à l'aide
d'un exemple, les axiomes de base de la communication tels qu'ils ont
été définis dans le chapitre 1.
A et B sont en relation, A est un visiteur médical qui présente ses
produits à B.
Nous savons au départ que toute communication est composée de deux parties
indissociables : le contenu et la relation. Nous savons aussi que "toute
communication étant un malentendu", les points de vue des partenaires
seront divergents en - presque - tout, aussi bien en ce qui concerne
le contenu que la relation.
Nous avons également vu en décrivant le schéma linéaire de la communication,
que, lorsque deux individus sont face à face, ils sont cinq. Nous avons
vu encore en parlant de la ponctuation des communications, qu'une relation
peut-être vue différemment, selon "l'endroit", le maillon
où on la fait commencer.
Essayons de démêler tout cela, à l'aide de formules descriptives d'une
séquence de communication.
Première étape : A et B n'existent pas en soi, comme on le croit naïvement.
Dans notre méthodologie, toute formulation du genre : "Ce médecin
est aimable, et reçoit bien les visiteurs", ou "Ce visiteur
a le sens de la relation", est irrecevable. Au pire, ces formulations
empêchent une description correcte, au mieux ce sont des paroles creuses.
Deuxième étape : La relation A--B n'existe pas en soi non plus. On ne
peut dire non plus : "Cette relation est saine", sans préciser
qui est l'auteur de ce jugement, ni, bien sûr, ce qu'il entend par "saine".
On devra parler de la relation A--B, vue par A et de la relation A--B
vue par B.
Ainsi, la relation entre A et B pourra s'écrire comme une interaction
entre deux visions subjectives, que l'on désignera à l'aide des formules
suivantes :
A(A---B) et B(A---B),
ce qui signifie : comment A voit la relation
A---B et comment B la voit.
Et nous savons que ces deux visions subjectives seront, très probablement,
différentes.
Nous savons qu'il est possible de parler de divers types de relations
: relations complémentaires (hautes et basses) et symétriques d'une
part, et, d'autre part relations coopératives ou antagonistes. En combinant
les deux facteurs, on obtient au moins six façons de "voir"
une relation :
Complémentaire haute + Coopérative
Complémentaire haute + Antagoniste
Complémentaire basse + Coopérative
Complémentaire basse + Antagoniste
Symétrique + Coopérative
Symétrique + Antagoniste
Compte-tenu que chaque partenaire possède six possibilités, à chaque
instant de "voir" la relation qu'il entretient avec son partenaire
du moment, on comprend qu'il puisse arriver souvent que les deux visions
ne soient pas les mêmes. Par exemple, il arrive souvent que le visiteur
se voit par rapport au médecin en relation "d'inférieur coopératif",
alors que le médecin se verra "supérieur antagoniste"; dans
ce cas le visiteur entretiendra l'illusion de la paix. Ou bien encore
le visiteur se pensera "l'égal coopératif" du médecin (parce
qu'il le connaît de longue date, par exemple), alors que le médecin
se verra "supérieur", coopératif ou non. Ici, l'illusion entretenue
sera celle de l'égalité.
Les cas de figures sont nombreux, et il ne faut jamais perdre de vue,
comme pour simplifier, que ces visions subjectives, sont en permanente
évolution, et peuvent changer d'un moment à l'autre de la relation.
Au cours de la même visite la nature de la relation, donc les positions
des partenaires peuvent évoluer.
Par exemple, la visite commençant par des considérations d'ordre météorologiques
et vacancières, les deux partenaires commencent la relation sur le même
mode : symétrique et coopératif. Puis le visiteur parle d'un produit
nouveau que le médecin ne connaît pas, le médecin se considère, à ce
moment-là, dans une position "inférieure coopérative", celle
de l'élève en quelque sorte. Puis le visiteur évoque un produit que
le médecin connaît de longue date, et qu'il prescrit régulièrement :
le médecin passe dans une position "supérieure coopérative".
Enfin, car il y a presque toujours trois produits à présenter pour satisfaire
les lois du marketing linéaire, le visiteur vante un produit que le
médecin n'aime pas du tout, et dont il voudrait ne plus entendre parler
: le médecin passe dans une relation "supérieure antagoniste",
et arrête la relation en se levant.
Dans ce cas, extrêmement fréquent, on observe que le médecin a successivement
adopté quatre types de relations, pendant que le visiteur - et c'est
bien là le drame du linéaire - est resté sur la même position, celle
du "professeur enseignant". L'ennui de ce type de communication,
c'est que le visiteur n'a rien vu de ce qui se passait "dans la
tête" du médecin. La maîtrise de la relation lui a échappé.
A ces malentendus, s'ajoutent les malentendus dus à des compréhensions
différentes du contenu. Par exemple, le visiteur dit à propos d'un de
ses trois produits : "Comme vous le savez, c'est un dérivé de...
donc un produit très puissant." Le visiteur veut dire : donc, il
est efficace.
Qu'entend le médecin ? Il s'agit du produit nouveau qu'il ne connaît
pas, il se dit "a priori pourquoi pas, ça doit être vrai, mais
alors je ne vais l'essayer que dans les cas sévères". Car, dans
la tête de ce médecin : puissant = cas sévères. Ou encore il se dit
: "Je ne vais l'essayer qu'en dernière intention", car pour
lui : efficace = mal toléré... Bref, il se fera en lui-même des réflexions
très différentes, en fonction de sa pratique antérieure, et des opinions
différentes que celle-ci lui aura inculquée.
Tout ce discours intérieur, restant, bien entendu totalement ignoré
du visiteur. Continuons un instant l'exemple où le médecin pense que
le produit devra être réservé aux "cas sévères". Il entend
alors le mot "hypertension", il transforme immédiatement en
"hypertension grave", peut-être même pense-t-il à une vieille
malade dont l'hypertension résiste jusqu'à présent à toutes les thérapeutiques.
Pour ce produit nouveau le sort en est jeté : il vient d'être rangé
dans un tiroir, où - presque - plus rien ne pourra le déloger, du moins
chez ce médecin-là. Le classement est immédiat, le rejet aussi.
Autre possibilité, le produit dont parle le visiteur est un produit
que le médecin connaît bien. Il sait que c'est un produit puissant.
Il ne voit pas très bien pourquoi, on vient lui apprendre ce qu'il sait
déjà. Mais il faut bien que chacun fasse son travail, il écoute le visiteur
d'une oreille distraite.
Il peut se faire aussi que les propos du visiteur aille à l'encontre
de l'opinion du médecin, pour qui ce produit est "un petit produit,
facile à manier". Là, il s'inquiète, et se demande si sa posologie
habituelle n'est pas excessive; bref, on peut parier qu'il prescrira
moins après le passage du visiteur.
Dans un cas, c'est une différence dans la vision de la relation qui
amènera le médecin à ressentir un certain "mépris" pour le
visiteur. Dans le dernier cas, c'est une divergence dans le contenu,
qui amènera le médecin à prescrire moins, ou même à arrêter sa prescription.
Enfin, si les propos laudatifs du visiteur, concernent le troisième
produit, celui que le médecin ne prescrit pas, dont il ne veut plus
entendre parler, et qu'il considère comme inefficace, que se passe-t-il
? Le médecin ne veut pas entrer en discussion, avec le visiteur, mais
il n'est pas du tout d'accord avec lui; cela le confirme dans l'idée
peu glorieuse qu'il se fait des visiteurs médicaux et de la visite médicale
en général. Et, pourtant celui-là lui paraissait sympathique en début
de visite.
Et la relation s'arrête momentanément sur une note très négative, sur
un accord dissonant.
Et, encore une fois, quoi qu'il arrive, le visiteur n'a rien vu. Surtout
s'il a suivi les consignes de la direction de bien réciter ses arguments.
On pourrait multiplier sans fin les exemples que nous rencontrons quotidiennement
sur le terrain. Mais, nous réservons les développements à nos clients.
Ce que nous pouvons dire ici, c'est que, généralement, la première fois
que les clients labos (direction ou visiteurs), prennent connaissance
de la façon exacte dont tel ou tel médecin a compris tel propos (contenu),
ou de la façon dont il a jugé le visiteur (relation), ils sont proprement
effarés de l'ampleur de la divergence de "points de vue".
Dans les exemples ci-dessus, nous avons essayé de rendre vivante l'interrelation
entre contenu et relation, en montrant que d'une part un désaccord au
niveau du contenu pouvait entraîner une aggravation de la relation,
et que, d'autre part, une relation "mauvaise" annulait tout
l'effet positif que l'on pouvait attendre d'un contenu "correct".
Nous avons montré qu'au cours d'une seule visite, tout un scénario pouvait
se dérouler dans la tête du médecin; or, toutes ces pensées et opinions
qui défilent à toute allure, constituent, à proprement parler les fils
qui tissent la toile des relations labos-médecins.
Nous avons montré l'aspect souvent définitif de tout jugement, de tout
classement du médecin.
Nous avons montré également la richesse des informations que l'on pouvait
recueillir en étudiant des séquences de communication précises, plutôt
que des généralités obtenues par questionnaires, qui ne nous apportent
rien d'autre que des réponses hors situation à des questions inadéquates.
Notre modèle n'est pas explicatif, mais descriptif. On comprend mieux
maintenant, que si nous réussissons, pour un produit donné, à dresser
la carte des "cas de figures" possibles, à donner pour chaque
cas de figure une liste des comportements possibles du visiteur, on
comprend que l'on pourra sensiblement améliorer chaque séquence, donc
chaque visite et, par extension, les résultats des visiteurs.
Nous avons encore montré que la richesse de ces échanges muets, passait
totalement inaperçue des visiteurs "ordinaires".
Mais est-ce toujours vrai ? On nous objecte souvent, que, même avec
une communication linéaire, certains visiteurs réussissent bien leurs
produits. Outre le fait que nous avons souligné que tout système, même
le plus mauvais, peut "tomber en marche", nous croyons pour
l'avoir observé maintes fois aux côtés de nos amis médecins, que le
bon visiteur qui réussit, ne fait que très rarement du linéaire pur.
Le bon visiteur qui possède comme le dit sa direction "le sens
de la relation", est un visiteur qui cogne à la porte pour savoir
si il y a quelqu'un. Il peut réciter ses arguments certes, mais il demande
aussi ce que le médecin en pense.
En quelques mots, le bon visiteur linéaire, présente plusieurs caractéristiques
de comportement : d'abord, il cherche à savoir ce que pense le médecin
des arguments développés, ensuite, il essaie de savoir si le médecin
est prescripteur du produit présenté, ensuite, il respecte les opinions
et prescriptions des médecins.
"Ca vous intéresse le mode d'action du produit ?" Non ? Alors,
je ne vous en parlerai pas.
Le "bon visiteur" joue facilement de la relation; sans connaître
le mot, il "métacommunique" souvent. Vis à vis d'un médecin
qui ne prescrit pas un produit, on peut choisir deux voies : celle du
contenu, en lui expliquant pourquoi il a tort, et celle de la relation
: "Vous ne m'en faites pas ? Ce n'est pas sympa pour moi".
Sans le savoir, il joue avec les différentes positions de la relation,
telles que nous les avons définies plus haut.
Bref, le visiteur qui réussit, sort presque inévitablement du cadre
strict des consignes qu'on lui a données, dans la mesure où il se rend
compte, de lui-même, qu'une relation à deux est mouvante, fragile, et
ne peut se laisser enfermer dans un cadre préétabli. Ces visiteurs entretiennent
avec leurs médecins des systèmes relationnels plus riches et plus variés
que les autres visiteurs. On peut appeler cela la souplesse, le sens
de la relation, peu importe, cela revient à dire que le nombre de voies
sont plus nombreuses qui conduisent au même but.
Il semblerait que ce soit une caractéristique des systèmes performants
:
Les systèmes qui fonctionnent bien disposent
apparemment d'une meilleure flexibilité et d'un plus grand répertoire
de règles, alors que des systèmes "malades", c'est-à-dire
très conflictuels, n'ont qu'un nombre réduit de règles, et elles sont
difficilement modifiables. (Le Baron, p.30)
Un dernier mot nous semble important. Nous affirmons que la visite
cyclique, se doit d'être attentive à la relation avec le médecin plus
qu'au contenu de ce qui se dit.
Mais il ne faut pas confondre le mot "relation" au sens de
Palo Alto, avec ce qu'on entend habituellement dans les manuels de vente
quand on préconise aux vendeurs de "soigner la relation avec les
clients". Pour nous la relation est une des faces obligatoires
de toute communication interpersonnelle. Jouer la carte de la relation,
c'est parler avec l'interlocuteur des rapports que nous avons avec lui.
Ce sera, par exemple, pour un visiteur médical, demander au médecin
s'il préfère tel ou tel style de visite. Ce sera évoquer la visite elle-même
et non plus seulement les médicaments. Rien de commun avec les "bouffes"
et autres gâteries qui, soi-disant, permettraient de faire prescrire
plus et mieux.
Description du schéma de la visite médicale cyclique
On l'a déjà compris : la visite médicale
cyclique est à la visite traditionnelle ce qu'est le territoire à la
carte chez KORZYBSKI. La visite cyclique donnera au visiteur des règles
de comportement dans des cas précis, et des règles plus générales lui
permettant d'acquérir une souplesse maximum et de réagir correctement
devant un cas nouveau.
La visite cyclique se refusera à toute forme de généralisation, sur
ce qu'il convient de dire aux médecins, ni sur la façon de se comporter
avec eux.
La visite cyclique refuse, ou plutôt ne peut pas comprendre toute forme
de consigne du genre : "N'oubliez pas cet argument" (consigne
au niveau du contenu), ou du genre : "Cherchez toujours à obtenir
l'approbation du médecin". Car, par observation, nous savons que
l'attitude qui peut être bonne dans un cas pourra se montrer catastrophique
chez un autre médecin.
La visite cyclique ne pourra avoir lieu que si le visiteur a reçu une
formation suffisante dans les techniques de diagnostic et de méthodes
de changements.
Ce type de visite - ou de vente - se déroulera en trois temps : le recueil
d'informations sur chaque médecin, l'analyse de ces informations, et
la mise en route des processus de changements.
Nous résumons souvent ces trois étapes à l'aide des trois verbes suivants
:
CONNAITRE - ANALYSER -MODIFIER
Dans un premier temps, le visiteur doit savoir "où en est le médecin
vis-à-vis de chacun des produits qu'il présente". "Où en est"
dans le sens : quelle distance sépare le médecin de la position d'un
vrai prescripteur fidèle.
Dans un deuxième temps, le visiteur analyse l'écart entre la position
actuelle du médecin et la position "idéale" qu'il aimerait
lui voir adopter.
Dans un troisième temps, le visiteur décide d'une stratégie, pour chaque
produit chez ce médecin.
Nous allons bientôt entrer dans le détail de ces trois opérations. Il
faut toutefois, au préalable, se rafraîchir la mémoire, en évoquant
quelques idées de base justifiant la démarche cyclique - ou cybernétique
- qui est la nôtre.
Nous partons toujours de la vision subjective du médecin. Nous nous
sommes souvent mis à la place du médecin, en observant, spectateurs
muets, les visiteurs présenter leurs produits. Cela est très instructif,
et donne un "point de vue" de la montagne tout à fait différent
à celui que nous donne habituellement les clients laboratoires.
Quelques constats évidents pour le spectateur.
Chaque laboratoire, ou plutôt chaque chef de produit voit le monde au
travers de son produit; dans sa lorgnette il voit un chemin direct tracé
entre le produit et les médecins, il voit autour, dans les broussailles,
les concurrents, et s'imagine une communication "idéale" qui
va frapper droit "dans les tripes" - ou au cœur, c'est plus
distingué - tous les médecins. Appelons cela une vision verticale de
la communication : du produit à l'ordonnance.
Les médecins, voient tout différemment; ils voient d'abord des malades
atteints de "maladies" (appelées indications), et à qui il
se demande ce qu'il va pouvoir leur donner pour les soulager. Le médecin
va du malade à l'ordonnance. Sa vision, en ce qui concerne les médicaments
est horizontale. Au moment de choisir, en admettant qu'il hésite, il
se trouve devant un choix de produits possibles; c'est à ce moment-là
que les éventuelles traces des communications commerciales peuvent jouer
un rôle, plus ou moins décisif dans sa décision. Mais, il ne choisira
pas en fonction de la communication d'un laboratoire, mais en fonction
de ce qu'il a mémorisé des communications d'un ensemble de laboratoires.
Nous avons souvent étudié ce qui se passe, à ce moment capital, dans
la tête des médecins. Et ce que nous avons vu était souvent consternant
pour les laboratoires. Souvent, les messages divers et contradictoires
des laboratoires se sont effacés mutuellement. Le médecin, surinformé,
ne peut tout retenir de ce qu'il a entendu, et son choix se porte, en
premier sur le produit qu'il connaît déjà, en second, éventuellement
sur un nouveau produit, à condition que le contenu de sa mémorisation
soit simple et sans ambiguïté.
A la moindre hésitation, c'est le produit habituel qui l'emportera.
Les naïfs du marketing classique, croient parfois que la plupart des
médecins, au moment de rédiger leur ordonnance, vont réfléchir à partir
du message, et de l'axe marketing qu'ils ont créés. C'est refuser de
voir, que pour le médecin, le médicament (c'est-à-dire une marque donnée)
n'a que peu d'importance.
Depuis vingt ans, nous interrogeons des milliers de médecins, et leur
demandons de nous dire tout ce qu'ils savent sur les produits qu'ils
prescrivent. Nous constatons que peu de mots leur suffisent à décrire
un médicament, et suffisent pour qu'ils le prescrivent. Dans leur vision
personnelle de leur rôle de thérapeute, le médicament ne joue que très
rarement le principal rôle; il n'est souvent qu'un des comparses du
drame. Et si en plus il fallait réfléchir aux avantages réciproques
de chaque médicament, dans des classes où tout le monde sait pertinemment
que "tous les produits se valent".
Il faut donc "se mettre à la place" des médecins, afin d'apprendre
à voir comme eux cette montagne que tout le monde appelle "réalité".
Et accepter de voir son médicament devenir tout-petit dans ce paysage,
comme si on regardait par le mauvais bout de la lorgnette. Accepter
même, que dans le paysage personnel de nombreux médecins, le produit
que l'on vend soit absent.
Le visiteur "cybernétique" ne se donne pas d'objectifs impossibles,
comme celui de vouloir que tous les médecins prescrivent tous
ses produits.
Comment se passera concrètement une visite cyclique ? On va maintenant
schématiser, car, avant tout, nous savons qu'il n'y pas deux visites
semblables, dans la mesure où il n'y pas deux relations visiteurs-médecins
semblables.
Préalablement à toute formation à cette méthode, l'entreprise devra
connaître le langage des médecins prescripteurs de ses produits. Les
méthodes d'analyse de langage sont étudiées au chapitre 4.
Le visiteur désireux de modifier son fonctionnement disposera, au départ
d'un outil : il saura comment parlent les médecins prescripteurs en
général, avec la réserve d'usage que tout adepte de KORZYBSKI ne manquera
pas de faire sur l'expression "en général", qui, ici, signifie
à peu près : en moyenne.
Dans un premier temps, il établira un diagnostic de tous les médecins
de son secteur. Il cherchera à les identifier, en tant que prescripteurs
fidèles, occasionnels ou non-prescripteurs de chacun de ses produits.
Nous avons évoqué plus haut six types principaux de médecins.
Pour accomplir au mieux cette première étape de son travail, le visiteur
devra avoir acquis les techniques lui permettant de faire parler les
médecins. Mais, en même temps, il ne doit pas s'agir d'interrogatoires,
comme le font parfois certains laboratoires. Les médecins n'aiment pas
être interrogés de force. Il y a à cela au moins deux raisons : d'une
part la réticence naturelle devant toute "enquête", et, d'autre
part, compte-tenu de ce qu'on sait de la visite classique, l'idée qu'une
mauvaise réponse du type "je n'aime pas votre produit", sera
suivie d'un sermon en règles avec preuves scientifiques à l'appui, ce
qui horrifie d'avance tout médecin qui se respecte.
C'est là où notre technique pourrait s'avérer néfaste en entraînant
des relations encore plus conflictuelles qu'actuellement, si les visiteurs
cycliques, ne prenaient pas la précaution, avant tout travail de diagnostic,
de faire passer le seul message important aux médecins : "Je ne
suis pas celui que vous croyez".
Les médecins, de façon quasi générale, ne sont pas hostiles à l'idée
d'informer les visiteurs sur leurs pratiques, à condition de n'être
pas sanctionnés, ni critiqués, s'ils "oublient" de prescrire
les produits du visiteur, ou s'ils se permettent d'émettre des avis
défavorables.
Les médecins comprennent, si on le leur explique correctement, que le
visiteur pourra travailler plus intelligemment, s'il sait ce que le
médecin fait de ses produits. Ils comprennent, en même temps, qu'ils
entendront moins de balivernes ainsi.
Dans un système cyclique, il est impossible d'agir correctement sans
étude préalable du terrain d'action. La grande règle du visiteur sera
d'abord de se taire intelligemment, pour écouter l'autre.
Ensuite, quel sera son comportement. Selon dépendra des cas répertoriés.
Evoquons ici les plus courants.
Premier cas possible : le médecin ne connaît pas le produit. Avec ce
médecin, le visiteur se trouve dans la situation d'un lancement de produit,
même s'il s'agit d'un vieux produit. Il évoquera les principales caractéristiques
du médicament : sa classe, le type de malades et d'indications auxquelles
il s'adresse, sa posologie et la façon de conduire un traitement, son
efficacité et sa tolérance. Puis, il sollicite les questions du médecin.
Moins il en aura dit, plus il aura de chances d'avoir des questions.
Et les questions posées par le médecin lui permettront à ce dernier
de mieux mémoriser le produit.
Dans la présentation du produit, le visiteur n'utilisera aucun terme
laudatif du genre "particulièrement bien toléré", et s'abstiendra
de toute comparaison avec les concurrents.
C'est tout. Fidèle au proverbe zen, le visiteur a mis le médecin sur
la bonne voie, mais ce n'est pas à lui de marcher à sa place. Il verra,
à la prochaine visite, si le médecin a avancé sur la voie souhaitée,
ou s'il n'a pas encore mis ses chaussures de marche.
Deuxième cas possible : le médecin connaît le produit mais ne le prescrit
pas, sans raison particulière. On vérifie qu'il le connaît vraiment,
c'est-à-dire qu'il en connaît les principales caractéristiques sus-nommées.
Il dit ne pas le prescrire parce que "ce n'est pas dans ses habitudes".
C'est son droit. On peut lui rappeler que ce n'est pas sympa, car, dans
la mesure où les autres produits sont semblables dans leurs effets -
c'est lui-même qui vient de le dire - , pourquoi ne pas essayer le nôtre;
on joue ainsi sur la relation. Sur le contenu, nous disons qu'il n'y
a rien à faire, car tout beau discours médical sur notre produit, ne
pourra que renforcer le médecin dans sa prescription actuelle.
Troisième cas possible : le médecin connaît notre produit, ne le prescrit
pas, et cela, pour une raison précise. Il faut chercher à bien connaître
cette raison et en prendre note, dans la mesure où toue opinion est
à prendre en considération. Cela doit faire partie des informations
qui seront remontées en permanence au siège du laboratoire. Si cette
raison semble sérieuse, pourquoi chercher à changer une opinion négative,
née à la suite d'une expérience négative.
Dans ce cas de figure, le visiteur ne doit jamais oublier qu'il a plusieurs
produits, et que le même médecin est peut-être un prescripteur habituel
d'un autre de ses produit. Alors pourquoi l'importuner s'il se permet
d'avoir une opinion négative sur un produit, même si elle nous semble
pas toujours fondée. Oublions les mauvais réflexes appris, de répondre
à tous coups aux objections.
Quatrième cas possible : le médecin connaît le produit et en prescrit
occasionnellement. Le visiteur aura tôt fait de repérer, en faisant
parler le médecin sur sa pratique de ce médicament, où se trouve sa
faiblesse dans la connaissance du produit. Peut-être que le médecin
ne connaît qu'une forme galénique alors qu'il en existe trois, qu'il
ne prescrit que dans une seule indication, alors que le produit en possède
deux, qu'il n'en donne qu'à une gélule par jour alors qu'on peut monter
jusqu'à quatre. Bref, en faisant le tour du produit avec le médecin,
le visiteur rappelle à celui-ci ce qu'est le produit. C'est ici que
notre visite ressemble le plus, en apparence, à une visite classique;
on verra, en étudiant le schéma de la visite cyclique qu'il n'en est
rien. Le but, toutefois, est simple : aboutir à des prescriptions plus
fréquentes chez des médecins qui sont déjà des prescripteurs occasionnels.
Cinquième cas : le médecin connaît et prescrit souvent le produit, mais
a une "grosse critique" à émettre contre ce produit. Ici,
le travail est délicat, car c'est un prescripteur qui va peut-être abandonner
le produit. La conception classique consisterait à parler sans fin du
cas difficile que le médecin a eu, du point négatif qu'il a soulevé,
ce qui aurait pour conséquence presque inévitable de donner encore plus
d'importance aux éléments négatifs du jugement. Certes, on ne peut pas
non plus passer sous silence les expériences négatives. Le jeu consiste
à montrer au médecin que le négatif est petit (un cas sur combien ?)
par rapport à tous les éléments de satisfaction qu'il a reçu de ce même
produit. Ensuite, c'est le médecin lui-même qui décidera, comme toujours.
Nous sommes à une époque où un cas négatif (dans n'importe quel domaine)
l'emporte souvent sur mille cas positifs. Laissons au médecin la responsabilité
de son rôle de médecin; nous savons ce que vaut notre produit, nous
savons qu'aucun produit efficace n'est totalement dénué d'inconvénients,
et que, seuls les utopistes continuent à chercher des produits miracles.
Mais c'est au médecin de savoir comment il peut manager ce problème
avec sa clientèle.
Sixième cas : celui que nous aimerions rencontrer plus souvent : le
médecin connaît, prescrit souvent le produit et en est parfaitement
satisfait. Après avoir vérifié qu'il en connaît les principales caractéristiques,
une seule consigne semble s'adapter à ce cas-là : le laisser tranquille.
Ne nous ridiculisons pas, comme on voit le faire tous les jours les
pauvres visiteurs linéaires, en expliquant au médecin en quoi le médicament
qu'il donne tous les jours peut être efficace.
Une remarque ici : nous pensons qu'au lieu de "sucrer" les
médecins non-prescripteurs pour qu'ils changent d'avis, (ce qui s'appelle
: achat de prescription), les laboratoires auraient intérêt à établir
des relations amicales, hors visite, avec les vrais prescripteurs de
ses produits, et ceux-là seuls. Bien sûr, à condition de les connaître
nominalement.
Pour résumer, on voit que, devant des situations différentes en termes
de communication, le visiteur se comportera différemment, ce qui est,
à proprement parler s'adapter à l'environnement.
Les différentes situations rencontrées sur le terrain peuvent se résumer
en trois grandes catégories, en fonction de la position du médecin sur
le chemin qui mène à la prescription.
Ou bien, notre randonneur est déjà arrivé au refuge : il prescrit régulièrement
le produit. Le rôle du visiteur sera, en quelque sorte de le "garder
au chaud". Point sera nécessaire de parler du produit avec lui
: étant au même endroit ils auront automatiquement le même point de
vue. Il suffira d'entretenir la relation, et les idées ne manquent pas
pour cela.
Ou bien notre randonneur est toujours resté au bas de la côte, regardant
en l'air d'un air déjà fatigué. Est-il vraiment obligatoire de le hisser
à bout de bras jusqu'au sommet ? En termes de budgets, cela couterait
trop cher, et en termes de communication, les voies pour atteindre le
but, sont impénétrables et cachées sous la broussaille. Alors, laissons
le randonneur poser définitivement son sac à dos et rentrer chez lui.
Ou bien, et c'est là où le visiteur aura le plus de travail, le randonneur
est monté jusqu'au premier replat, et s'est arrêté, hésitant entre continuer
à monter ou redescendre. Dans ce cas, il faut lui décrire les beautés
du paysage qui l'attendent là-haut, ou la bonne bière fraîche qu'il
boira au refuge...
En termes de communication cyclique, le travail sera des plus savants.
Nous utiliserons ce que nous savons des rapports entre langage et comportement
de prescription. En effet, nous connaissons le langage-type des "vrais
prescripteurs" d'un produit et nous connaissons aussi le langage
du médecin particulier que nous avons en face de nous. Nous connaissons
donc l'écart entre ces deux langages, écart que l'on va tenter de combler.
On va donc essayer d'enrichir le langage du médecin sur le produit concerné.
Pour cela, on va essayer de lui faire dire les mots et thèmes encore
absents dans son langage sur ce produit. Au pire, le visiteur comblera
lui-même l'écart en rappelant au médecin ce qu'est son produit.
C'est ici que nous utilisons un système de communication dialoguée cyclique,
partant du principe qu'à défaut de pouvoir faire prescrire plus le médecin,
en l'engageant à prescrire, comme le font croire les autres méthodes,
nous essayons de faire tenir au médecin un langage de prescripteur.
Nous savons que les médecins parlant comme des prescripteurs d'un produit,
ont une plus grande probabilité de prescrire que les autres. Mais, en
dernier ressort, c'est toujours le médecin qui décidera, et jamais,
nous insisterons pour qu'il prescrive.
Dans ce schéma, nous avons inversé les rapports entre les éléments du
schéma linéaire. Ici, notre message (M) vient en dernier, comme thérapeutique
après le diagnostic. Voici, pour mieux comprendre, le schéma complet
de la visite cyclique :
Figure 4 : Le schéma de la communication cyclique (thermostat)
Expliquons quelques
termes de ce schéma. Pour chaque produit, et à chaque visite, le médecin
peut être considéré comme une boîte noire. Il s'agit d'un terme de la
théorie de l'information, qui signifie à peu près, qu'à l'intérieur,
quelque part, on ne sait où, dans ce qu'il est convenu d'appeler "esprit",
se situe un ensemble d'opinions et de comportements déjà faits, bref,
tout ce qui constitue l'expérience du médecin à propos du produit, des
concurrents, de la thérapeutique concernée et de tout l'environnement.
Le terme "boîte noire" signifie que, d'une part ce qui la
constitue reste plus ou moins inconnu des partenaires de la communication,
et que d'autre part, ce n'est pas en posant des questions directes,
c'est-à-dire en ouvrant la boîte que l'on saura ce qu'elle contient.
En théorie de l'information (qui a donné naissance rappelons-le à l'informatique),
c'est en étudiant ce qui sort de la boîte noire, comment elle réagit
à différents stimuli qu'on apprend à la connaître. Là encore, nous retrouvons
l'idée fondamentale qui est la nôtre, que c'est l'étude des processus
et non l'introspection qui nous fera découvrir les fameuses "lois"
de la communication.
Le recodage, dans ce schéma, est ce qui reste des visites précédentes,
mais aussi des visites de la concurrence, et des expériences personnelles
du médecin. C'est le contenu de la boîte noire. Faire parler le médecin,
c'est connaître son recodage.
Nous reconnaissons là la première étape de toute opération cyclique
: CONNAITRE.
La deuxième étape - qui est en fait simultanée à la première - est l'ANALYSE.
Pour cela, le visiteur dispose de la connaissance du langage-type des
prescripteurs, qu'on appelle LP. Ainsi, il sera facile de diagnostiquer
la position de chaque médecin par rapport à ce langage-type; il suffit
de faire une soustraction : ce qu'il aurait dû dire s'il avait le profil
parfait du prescripteur moins ce qu'il a vraiment dit. Le résultat de
l'opération est le NON-DIT du médecin, au jour de la visite, pour un
produit donné.
La troisième étape qui est MODIFIER, consiste à combler les "trous"
du langage, en basant la visite sous la forme d'un dialogue portant
exclusivement sur ce qui n'a pas été dit par le médecin.
Prenons un exemple. Pour un anti-hypertenseur donné, le médecin X a
dit qu'il le donnait parfois, dans les cas sévères seulement, à raison
d'un comprimé par jour. Immédiatement, nous voyons ce qui manque dans
son langage : il n'a pas parlé de telle ou telle indication, il n'a
pas parlé des malades, ni de l'efficacité...
La visite portera sur ces thèmes.
On voit comment, ce type de visite peut satisfaire à la fois les médecins
et les responsables du marketing. En effet, le visiteur s'adapte à chaque
médecin, et ne cherche jamais à manipuler celui-ci à l'aide d'arguments
pseudo-techniques, que le médecin reconnaît vite en nous disant, sur
un ton de reproche : "Ca, c'est du marketing". Mais, d'autre
part, en enrichissant le langage des médecins, non-prescripteurs et
petits prescripteurs du produit, il augmente la probabilité que ceux-ci
prescrivent plus.
Bien sûr, la finalité du travail de la visite est toujours de "faire
prescrire", et personne n'en est dupe. Nous pensons seulement que
notre façon de procéder, plus conforme à la réalité du terrain, pourrait
être classée comme, à la fois plus réaliste et plus honnête que la façon
classique, plus hypocrite et moins efficace.
Si l'on voulait résumer quelques caractéristiques de la visite cyclique,
nous rappellerions les points suivants :
Point 1 : La visite ne considère pas que c'est l'argumentaire qui fait
prescrire, mais qu'il faut adapter son comportement au médecin particulier
avec qui l'on est. Pas de causalité linéaire, mais un dialogue cyclique.
Point 2 : Dans une visite cyclique, le plus important est la maîtrise
de la relation visiteur--médecin. Le contenu de ce qui se dit sur les
produits est secondaire. Il peut se faire qu'il soit préférable de ne
pas parler de certains produits auprès de certains médecins.
Point 3 : On peut pousser le médecin qui va déjà dans le sens de la
prescription, mais on ne réussira jamais à faire changer d'avis un médecin
qui ne veut pas prescrire un produit, si cet avis est motivé. Donc,
ne pas répondre aux objections, ne pas se comparer aux concurrents,
ne pas forcer la main, ne pas coincer le pied dans la porte...
Point 4 : Chaque visite est différente pour chaque produit évoqué. Au
cours de la même visite, on peut se trouver en situation de lancement
pour un produit, en situation de laisser tomber un autre, en situation
de pousser le médecin à plus prescrire un autre...Il faut avant tout
connaître les points de vue du médecin, et les respecter, surtout s'ils
sont à notre désavantage.
Point 5 : La visite cyclique est l'art de faire "un peu moins de
la même chose". Il faut savoir abandonner un produit pour protéger
la relation. Il faut savoir parler moins de nos produits pour écouter
plus; il faut savoir passer moins souvent voir certains médecins...
L'efficacité de ce type de méthode provient d'une grande maîtrise de
la relation, et d'une connaissance de ce qui se passe dans la tête des
interlocuteurs.
L'art de convaincre est remplacé par la maîtrise des techniques du changement.
On est passé de l'abstrait et des questions du type : "Quel sera
l'argumentaire ou les arguments qui convaincront le plus les médecins
de ?", à une conception concrète de la communication, par des questions
du type : "Est-il possible que ce médecin en particulier finisse
par adopter le bon point de vue sur tel produit ? Si oui, par quels
chemins le faire passer? Si non, ne lui parlons plus de ce produit."
C'est travailler au niveau du territoire où les circuits de communications
sont plus complexes, jamais linéaires, toujours différents, mais où
les chemins, les voies d'accès sont visibles.
C'est remplacer la visite à l'aveugle, où le visiteur ne sait rien de
ce qui se passe dans l'esprit de ses interlocuteurs, à une visite où,
enfin, on a allumé les phares.
Si l'on veut analyser la nature des changements qui se sont produits
en passant de la visite classique à la visite cyclique, on dira, en
reprenant la terminologie de Palo Alto, qu'il s'agit d'abord d'un changement
2, car le système relationnel est totalement changé, et que ce changement
2 a entraîné la mise en place d'un nouveau type de relation entre le
visiteur et ses médecins.
Tous les visiteurs qui sont passé d'un système à l'autre nous ont exprimés
leur joie, et le sentiment "de faire un autre métier".
En effet, quelle est la journée d'un visiteur classique. Tous les jours,
il répète six ou sept fois, les mêmes discours sur trois produits, à
des médecins très différents entre eux, aussi bien quant à leur prescription
des produits en question, que sur le plan de leur disponibilité relationnelle
au moment du passage du visiteur. Parfois, il note sur son fichier quelques
réflexions faites par le médecin, ou des données sur les médecins du
type : "Reçois bien, médecin sympa", ou "N'aime pas la
visite". Soit des généralités, toujours fausses, et s'appliquant
tout autant au mauvais travail du visiteur qu'aux soi-disant qualités
du médecin.
Un visiteur formé à la visite cyclique, qu'on peut appeler visite dialoguée
(peu importe le nom qu'on lui donne), vivra des journées toutes différentes.
D'abord, il connaîtra la position de tous ses médecins vis-à-vis de
ses produits. Son temps se partagera en trois tranches de vie : le temps
passé chez lui, au bureau en quelque sorte, à dresser ses plans et à
téléphoner à certains médecins pour savoir s'ils n'ont pas des questions
et des problèmes à résoudre; le temps passé à entretenir des relations
de natures diverses avec les vrais prescripteurs de ses produits; et,
enfin, les visites en cabinets lorsque cela se justifie, auprès de médecins
demandeurs. Chaque journée est différente des autres, et le jeu n'est
plus le même. Avant, on lui disait de convaincre tous les médecins de
prescrire, maintenant, il sait que, si chaque médecin de son secteur
prescrit au moins un de ses produits, il aura de magnifiques résultats.
Surtout, comme on le verra plus bas, que ces visiteurs-là pourront avoir
un portefeuille allant jusqu'à dix produits, et non plus seulement trois.
Suppression de l'art
de convaincre
Quand deux individus sont en "état
de communication", c'est-à-dire quand ils sont face à face (puisqu'il
est impossible de ne pas communiquer), leurs comportements sont rarement
désintéressés. Ils veulent séduire, vendre, convaincre, commander; bref,
ils veulent obtenir de l'autre une certaine action que celui-ci n'a
pas automatiquement envie d'accomplir au départ.
Aussi, tout le problème de la vente, se réduit souvent à cette question
unique : comment faire partager mon point de vue à l'autre ?
Selon notre conception le problème peut se poser ainsi : comment faire
pour que mon partenaire, cet autre randonneur, fasse les quelques pas
vers moi qui lui permettront d'avoir le même "point de vue"
de la montagne ?
Pour une conception classique et linéaire de la communication, une modification
de comportement doit obligatoirement être entraînée par une cause psychologique,
une cause interne à un mythique "esprit humain". D'où la nécessité
de créer maintes théories et pratiques de la persuasion.
C'est pourquoi, depuis de longues décennies, on apprend aux vendeurs,
l'art de convaincre les prospects, comme on apprend aux hommes politiques
l'art de se faire élire avec succès.
Il nous semble bon de remarquer, avant d'aborder toute discussion sur
ce sujet, que si un tel art - on préférerait dire science -, existait,
tous les vendeurs vendraient, et tous les hommes politiques seraient
élus. Ce serait une belle pagaille, et il faudrait inventer autre chose.
L'art de convaincre repose sur un certain nombre de croyances, aussi
erronées les unes que les autres.
Tout d'abord, celle que toute action humaine doit être motivée, consciemment
ou inconsciemment.
L'art pour l'art, l'acte gratuit, semble banni de toutes les méthodes
de vente à la mode. L'idée qu'une lessive puisse être achetée par hasard,
ou simplement parce qu'on y pense, n'a pas cours dans les manuels du
parfait petit vendeur. L'idée qu'un médicament, semblable à tous les
concurrents dans une classe donnée, puisse être prescrit, pour la seule
raison qu'il se présente à l'esprit des médecins avant les autres, est
une idée qui semble répugnante à tous les as du marketing et de la vente.
Quand nous disons à nos clients que les médecins n'ont absolument aucune
raison de prescrire leur produit, ils semblent affolés. Alors que c'est
plutôt une bonne nouvelle, car, si un médecin n'a aucune raison de prescrire
un produit plutôt qu'un autre, dans une classe donnée, il n'a, par là
même, aucune raison de ne pas le prescrire.
Attention aux malentendus. Nous ne voulons pas dire qu'un médecin puisse
prescrire sans raison particulière un médicament particulier. Chaque
médecin sait parfaitement à quoi servent les principales classes de
médicaments existants; ils savent faire la différence entre un béta-bloquant,
un inhibiteur calcique ou un inhibiteur de l'enzyme de conversion. Nous
voulons dire que, pour la plupart des médecins, certains béta-bloquants,
ou diurétiques, ou etc...sont équivalents, dans leur efficacité et leur
tolérance, et qu'ils pensent que leur malade sera aussi bien soulagé
avec l'un ou l'autre des produits qu'ils connaissent.
En clair, cela signifie que, bien souvent, en cette période pléthorique,
si le choix d'une classe de médicaments se justifie pleinement, ce n'est
pas toujours le cas du choix d'un médicament particulier à l'intérieur
d'une classe donnée. Par exemple, il existe différents médicaments pour
diminuer les taux de cholestérol. Certains de ces médicaments sont des
fibrates, et nous savons que, pour beaucoup de médecins, tous les fibrates
se valent. C'est dans ce cas de figure, très fréquent, que nous pouvons
dire que la seule raison de prescrire un produit est qu'il vient à l'esprit.
La prescription se justifie d'abord par le fait qu'on pense d'abord
à un produit en particulier, puis par l'habitude tant que ce produit
donne de bons résultats et que les malades ne s'en plaignent pas.
La deuxième croyance de l'art de convaincre, directement dérivée de
la croyance selon laquelle il y a toujours une raison à chacun de nos
actes, est de croire qu'on puisse faire changer quelqu'un d'avis.
Nous l'avons déjà dit : on ne convainc jamais personne, on ne peut procéder
qu'à des changements par auto-conviction.
Développons ce point.
Je suis visiteur médical et je veux convaincre un médecin de prescrire
mon produit. Je peux me trouver devant plusieurs cas de figure.
Ou bien ce médecin connaît mon produit, n'a pas d'habitude particulière,
ou mieux encore, il en prescrit déjà un peu. Bref, si je me trouve devant
un médecin qui n'a pas d'avis précis sur la question, j'ai une chance
de l'amener à prescrire mon médicament plus qu'il ne le fait actuellement.
Je ne fais là que le pousser dans une direction qu'il a déjà commencé
à prendre.
Ceci est valable dans tous les domaines. Si je me fais beau et intelligent
pour séduire une fille qui me trouve déjà séduisant, il y des chances
de l'amener... plus loin.
Mais, si elle me trouve insupportablement fat et laid ?
Si le médecin a des habitudes autres, et pense que mon produit lui est
inutile, que ses malades ne s'en porteraient pas mieux, que faire ?
C'est là qu'intervient l'art de convaincre, qui pense naïvement que,
par des arguments rationnels et scientifiques, dont le bien-fondé ne
fait pas le moindre doute, nous pouvons amener l'autre à changer d'avis.
Ca ne marche pas, pour des tas de raisons.
La première raison de l'échec de l'art de convaincre, est que la plupart
de nos actes, et la prescription d'un médicament ne fait pas exception
à la règle, n'obéissent que rarement à des règles rationnelles.
La deuxième raison est qu'il n'y a aucune raison qu'un médecin qui se
trouve satisfait d'un médicament, en vienne à changer ses habitudes.
La troisième raison, celle qui justifie le plus notre recherche d'un
nouveau système de communication entre les labos et les médecins, est
que les médecins résistent d'autant plus à notre art de convaincre que
nous voulons les faire changer d'avis. Ils savent que le visiteur est
payé pour les convaincre, et ils résistent naturellement à cette action,
comme toute personne, quand on veut la pousser, pousse dans l'autre
sens pour rétablir l'équilibre.
C'est à notre sens ici que l'art de convaincre se trompe, en croyant
que des concepts abstraits puissent amener des modifications concrètes.
Les arts martiaux, dont les fondements philosophiques n'ont pas l'habitude
de s'embarrasser de logique aristotélicienne, nous apprennent que la
faiblesse de l'adversaire c'est justement sa force, et vice-versa.
Au médecin qui nous oppose un refus de prescrire notre médicament, refus
qu'il motivera ou non, toute action en retour de notre part du type
: "Je vais vous démontrer que vous avez tort", ne pourra que
le renforcer dans son opinion. Chacun pousse de son côté, et la barque
n'avance pas.
Nous pensons plus efficace, et plus correcte - d'aucuns diraient déontologique
-, tout comportement donnant l'impression de céder. "Vous pensez
du mal de mon produit, au mieux vous le jugez inutile, je respecte votre
opinion. Parlons d'autre chose".
Si mon partenaire de jeu - et non pas ici adversaire -, a une raison
qu'il estime valable de ne pas prescrire mon produit, je ne peux que
l'irriter en insistant. Après tout c'est lui qui soigne les malades.
Toute démonstration de ma part, ne pourra que le convaincre un peu plus,
que je suis vraiment, un marchand de soupe.
Si le médecin n'a pas de vraie raison de ne pas prescrire mon médicament,
mon abandon rapide du combat, en le mettant mal à l'aise, peut parfois
l'amener à penser, de lui-même, que, peut-être, il pourrait essayer
aussi ce produit, ne serait-ce que pour me faire plaisir.
Souvent, nous entendons sur le terrain des propos de ce style : "Je
n'ai rien contre votre produit, simplement je n'y pense pas".
Ceux qui pensent de façon linéaire se plaignent souvent du manque de
crédibilité des vendeurs, ici des visiteurs médicaux, auprès de leurs
clients. Les vendeurs sont a priori peu crédibles, parce que leur métier
même est de convaincre, de vanter leurs produits et services, bref de
vendre. C'est parce que tout le monde sait que je suis intéressé, que
je cesse d'être intéressant. Mon intérêt (relation) étant d'affirmer
la supériorité de mon produit sur les concurrents (contenu), ce contenu
perd de son importance aux yeux de mes interlocuteurs. Le meilleur vendeur
sera un autre client, car celui-ci n'a pas d'intérêt financier à vanter
mes produits.
Comment rendre plus crédible les visiteurs médicaux ? Dans une conception
linéaire de la communication, basée sur l'argumentation, nous ne voyons
pas de solution véritable. Les hommes de marketing pensent souvent que
la solution passe par la mise en avant de "plus-produits",
mais ne voient pas que ces plus-produits, trop techniques, apparaissent
aux yeux des médecins, comme des moyens plus sophistiqués de les manipuler.
C'est ici qu'il nous faut parler d'une loi peu connue de la communication,
que nous avons intitulée : le principe du contraire impossible.
On peut énoncer cette loi de façon simple : "Je serai cru en affirmant
A, si je peux également être cru en affirmant non-A." Si je dis
"Hier il a plu, il n'y a pas de raison particulière qu'on ne me
croit pas, car je pourrais dire tout aussi bien : "Hier, il n'a
pas plu".
Mais si je dis : "Mon produit est meilleur que tel autre",
il n'y pas de raison pour qu'on me croie, car, en tant que vendeur,
je ne peux pas dire : "Mon produit est moins bon que tel autre".
Ce constat nous mène assez loin. Pour être crédible, le vendeur doit
adopter vis-à-vis de ses produits et services, une forme de détachement
visible au client, lequel détachement devra être lui-même crédible.
Le vendeur doit montrer son indifférence aux sentiments de son client
vis-à-vis de ses produits. Il doit montrer que ce détachement est réel
et non pas seulement un moyen habile de laisser le client se dévoiler.
Cela signifie qu'il faut aller jusqu'au bout : lorsque le médecin aura
manifesté son désintérêt pour un produit donné, le visiteur devra garder
la même attitude d'indifférence.
On voit bien là que pour être crédible, le vendeur devra travailler
son comportement et sa relation au client, et que la solution ne passe
pas par une modification artificielle du contenu d'un quelconque message.
Un vendeur qui cessera définitivement de "faire l'article",
qui admettra de bonne grâce les faiblesses de ses produits, qui admettra
très bien qu'on puisse lui préférer parfois la concurrence, bref, un
vendeur qui aura abandonné définitivement tous les comportements typiques
du vendeur classique, dans la mesure où son client aura remarqué en
quoi il est différent, il deviendra crédible, même quand, ultérieurement,
il affirmera la supériorité d'un de ses produits.
Seule une modification comportementale du vendeur, qui entraînera une
modification du jugement des clients, permettra de changer la nature
de l'information fournie par le vendeur : de réclame sujette à caution,
elle sera devenue véritable information.
Bien sûr, notre méthode est dérangeante, car elle prend le contre-pied
des méthodes traditionnelles issues d'une psychologie de bazar.
On a dit et répété qu'un problème ne peut se résoudre que dans la mesure
où l'on en parle, allongé sur un divan ou non. Nous, nous croyons au
contraire que plus on parle d'un problème, plus on lui donne de l'importance.
Nous croyons que la résolution de maints problèmes de la vie quotidienne
s'obtient par le mépris du problème lui-même. C'est comme si, à force
d'être méprisé, le problème se vexait et disparaissait.
Cette affirmation est directement dérivée de notre conception selon
laquelle les réalités de la carte n'ont pas d'existence réelle. Le "problème"
que je me pose, est en très grande partie une création abstraite de
mon esprit, il sera donc évident que si je peux le traiter par le mépris
c'est qu'il est déjà "résolu" dans ma tête.
Dans notre pratique de formation de vendeurs, nous leur disons toujours
de ne pas répondre aux objections, car ce serait leur donner une importance
qu'elles ne méritent pas.
L'art de convaincre, même érigé en techniques savantes et sophistiquées,
n'est qu'une manipulation, même pas clandestine, dans la mesure où il
y a longtemps que les médecins connaissent toutes les ficelles de cet
art. Donnons quelques exemples.
Le petit tableau où la courbe monte : c'est l'efficacité du produit
comparée aux concurrents et au placebo; le petit tableau où la courbe
descend : c'est la tolérance; la gélule isolée dans son coin, c'est
pour rappeler que ce miraculeux produit est en "prise unique",
(quel avantage pour votre patient, Docteur); la seringue est là pour
rappeler qu'il existe également une forme injectable, donc pour les
urgences et les cas graves; la photo du malade souriant nous montre
à l'évidence à quel point il a été soulagé par le "bon produit
du bon docteur"; la molécule chimique que personne ne lit nous
clame le sérieux du médicament, molécule originale issue de la recherche
de (censuré); le paysage ensoleillé d'un jardin de banlieusard riche
au petit matin "qui connote calme et volupté" comme a dit
l'agence, montre que l'hypertension est enfin maîtrisée... etc
Cela est-il l'art de convaincre ou l'art de prendre les autres pour
des imbéciles ? Cela nous rappelle ces mauvaises séries télévisées américaines
(non ce n'est pas un pléonasme !), où le héros part à l'attaque en disant
: "Suivez-moi les gars" ou "Je les veux tous morts",
pour être bien sûr que l'on a compris l'intrigue complexe dans laquelle
il évolue.
L'art de convaincre présuppose une troisième croyance : qu'il est nécessaire
de comprendre pour être convaincu, et d'être convaincu pour agir.
Citons ALBERTI et EMMONS :
On croit généralement
qu'une personne doit changer ses attitudes avant de pouvoir changer
sa façon d'agir, c'est inexact... le comportement peut être changé
en premier et cela est généralement plus facile et plus efficace.
Le schéma de la conviction classique
est un chemin en trois étapes chronologiques :
COMPRENDRE - ADOPTER - FAIRE
Cela peut se dire autrement : passer de la carte au territoire.
Par quoi remplacerons-nous l'art de convaincre et les traditionnelles
techniques de vente ?
Nous n'avons pas de schéma valable pour tous les cas de figure. Nous
remplacerons l'idée de conviction par celle de changement.
En effet, quand un prospect devient client, on peut analyser cela en
termes de conviction, mais tout autant en termes de changement. Il y
a eu une modification dans ses habitudes, un changement relationnel
entre lui et le produit.
Les méthodes du changement ont été étudiées par maintes écoles, et,
particulièrement celle de Palo Alto. Nous savons que le changement ne
peut se produire, à l'intérieur d'un système donné, que dans la mesure,
où les relations existantes le préfiguraient. Encore une fois, pas de
pousse sans graine préalable.
En termes de vente de médicaments, un médecin qui se met à prescrire
un produit, possédait déjà, dans la relation qu'il entretenait avec
ce produit, les éléments de base indispensables à toute prescription,
ou, au moins, ne possédait aucun des éléments hostiles à la prescription.
En d'autres termes, aucun comportement hostile au produit, expérience
négative ou simplement langage négatif, ne doit être présent chez le
médecin, pour qu'il devienne un futur prescripteur.
L'étude des systèmes a permis de montrer également que la plupart des
changements de la vie quotidienne, n'ont pas besoin, pour se produire,
d'être précédés d'une quelconque prise de conscience.
Ecoutons P.WATZLAWICK, dans "Les cheveux du baron Münchausen"
:
Dans la vie quotidienne,
la prise de conscience et la compréhension accompagnent rarement
le changement et la maturation, et les précèdent encore moins. (p.35)
Nos observations vont dans ce sens-là.
Nous avons vu, bien souvent, des médecins changer de coutume de prescription,
apparemment sans raison, et sans prise de conscience. Bien entendu,
cela suppose que, dans leur esprit, se trouvaient déjà un minimum d'éléments
comportementaux allant "dans le sens " du nouveau produit
choisi.
Cette observation justifie l'importance que nous accordons à la mémorisation
quand nous disons que l'une des raisons essentielles pour lesquelles
on choisit un produit donné, est qu'on y pense en premier ?
Notre méthode, en ce qui touche à la formation des vendeurs, consistera
souvent, à leur enlever d'abord, les différences couches d'idées fausses
et gênantes pour la marche, toutes issues de l'idée de base que la vente
ne se fera que si l'on atteint les couches profondes du psychisme des
clients.
Il faut d'abord leur faire oublier tout un fatras de termes qui, de
notre point de vue, ne signifient rien, tels que : freins et motivations,
inconscient, connotations, réponse aux objections,...
Vendre un produit ou un service, c'est changer l'autre, le partenaire,
le faire bouger, l'amener d'une position à une autre. C'est bien le
partenaire qui doit faire le mouvement et non pas le vendeur. C'est
bien au client de dire : "ce produit est bon" et non pas au
vendeur.
Cela ne vous rappelle-t-il pas quelqu'un ? Un certain Socrate ?
Notre méthode apprendra aux vendeurs, tout d'abord à reconnaître dans
quels cas la vente sera quasi impossible. C'est là déjà un gain de temps
inestimable, car ils pourront alors passer aussitôt à un autre client
ou à autre produit.
Puis, nous leur apprendrons à semer chez l'autre la graine du changement.
Germera, germera pas, cela n'est pas en notre pouvoir. Le jardinier
ne surveille-t-il pas ses semis pour autant ?
Nous dirons, que le rôle du vendeur, ou du visiteur médical, sera de
faire faire au client les premiers pas dans la direction du produit.
Les maîtres ZEN nous ont appris, qu'on peut toujours montrer le chemin
aux autres, mais qu'il est impossible de marcher à leur place.
En prenant à rebours le schéma aristotélicien : COMPRENDRE---ADMETTRE---FAIRE,
notre chemin sera le suivant :FAIRE----COMPRENDRE----ADOPTER.
Une fois que notre prospect à fait quelques pas dans la direction que
nous souhaitons, il n'a plus le même point de vue de la montagne.
Il peut alors, mais cela n'a aucunement le caractère d'une certitude,
commencer à comprendre ce que nous voulions lui dire et que nous ne
lui avons pas dit. S'il continue à marcher, c'est gagné : tôt ou tard,
en nous rejoignant au sommet de la montagne, il aura, enfin, le même
point de vue que nous.
On voit qu'ici, dans cette méthode, il est superflu que le client soit
ou non convaincu du bien-fondé de ce qu'il a fait.
Notre méthode consiste à obtenir une transformation en restant au niveau
du territoire, au niveau des faits et des événements. La compréhension
conceptuelle, qui est du domaine de la carte, vient après, et, de plus,
elle présente un caractère de superflu.
L'homme n'est pas un animal raisonnable, on le voit tous les jours avoir
des comportements qu'il désapprouve ("Je ne suis pas content de
moi, mais j'ai cette habitude") ou qu'il ne comprend pas ("Je
ne sais pas pourquoi je fais cela").
Le client est modifié, en quelque sorte par déplacement mental de son
point de vue, sans que jamais, le vendeur ait eu besoin d'intervenir
de façon voyante pour l'amener à prescrire.
C'est pourquoi nos méthodes bannissent également les techniques préconisant
"le verrouillage de la visite" par une demande de prescription.
Nous équipons notre prospect d'un sac à dos contenant tous les éléments
nécessaires à sa randonnée, nous lui montrons le chemin et comment se
servir de la carte, nous faisons les premiers pas avec lui, mais c'est
toujours à lui de décider s'il continue ou non.
Nous terminerons ce paragraphe en critiquant un inévitable avatar de
la croyance aux processus psychologiques, consistant à dire "on
ne vend bien que ce à quoi l'on croit". On appelle cela dans les
vrais bons mauvais manuels de vente : "vendre avec ses tripes".
Outre l'horreur de l'expression par trop bouchère, nous pensons que
c'est un effrayant gaspillage de ne pas garder ses "tripes"
pour des occasions de la vie plus intimes.
Sans compter que, si l'on ne devait vendre que les produits et services
qui nous enthousiasment, on ne vendrait pas grand chose, en ces temps
de consommation à outrance, où, de plus en plus, tous les produits se
valent.
Si l'on accepte cette idée néfaste, on se trouve dans un dilemme affreux.
Ou bien se forcer à aimer quand même son produit, que l'on sait banal,
intéressant certes, mais pas plus que les concurrents. C'est-à-dire
accepter consciemment "le bourrage de crâne". Ou bien, partir
sur le terrain l'esprit abattu par l'idée de mal-faire : "je n'aime
pas mon produit, c'est pas bien, je vais être puni, ça va pas marcher".
Et ça ne marche pas. Ce qui s'appelle : la prédiction qui arrive".
En fait l'alternative est simple : être bête ou malheureux.
Ce genre d'idée a envahi également les écoles de théâtre, les journalistes
nous abreuvent des exploits d'artistes admirables qui pleurent "de
vraies larmes " en scène. Et pourtant, Louis JOUVET, disait qu'au
moment le plus pathétique d'une scène, l'acteur devrait pouvoir être
capable de penser en même temps à sa feuile de déclarations de revenus.
C'est l'affrontement des deux écoles fondamentales de la comédie : celle
de la distanciation et celle de l'implication.
La visite médicale, certes, n'est pas une pièce de comédie, ou alors
elle serait bien mauvaise. En tout cas, ça n'est pas seulement cela.
Mais il est certain que pour vendre avec ses tripes le 120ème vasodilatateur,
ou le 25ème béta-bloquant, il faut être, selon nous, quelque peu dérangé.
Sans compter que ça doit être fatigant de répandre ses tripes sept à
huit fois par jour dans les cabinets de médecins.
Soyons sérieux. Nous croyons, de plus, que cette méthode est totalement
inefficace. Il est assez probable que ceux qui ont affirmé les premiers
de telles âneries, devaient obéir par là à quelque besoin moral de justifier
une action aussi "vile" que la vente. Dans nos sociétés, vendre,
c'est mal ("on vend son âme en même temps"), aussi cela ne
peut se justifier que si l'on croit fermement à ce que l'on dit. Cela
nous rappelle l'idée religieuse selon laquelle il faut souffrir pour
expier ses fautes.
C'est pourquoi, pour nos contemporains, la première vertu du vendeur
est la sincérité, surtout quand ce vendeur est un homme politique qui
nous vend l'idée de voter pour lui. Comme si la seule qualité utile
à un homme politique, qui prétend nous gouverner n'était pas plutôt
la compétence. Tout le monde peut être sincère, c'est à la portée du
premier imbécile venu, alors que très peu de gens sont compétents.
Ouvrons et fermons aussitôt une parenthèse : tenir de tels propos de
nos jours, nous expose immédiatement à souffrir les critiques des censeurs
de tous bords, et à nous faire traiter d'affreux manipulateurs.
L'Ecole de Palo Alto n'a pas échappé non plus à cette critique :
D'expérience, nous nous attendons
à être accusés de "manipulation" et d'"insincérité"
pour notre façon, tant pratique que conceptuelle, d'aborder les
problèmes humains. La "sincérité" est devenue depuis peu
un slogan qui n'est pas dépourvu d'hypocrisie et qu'on associe confusément
à l'idée qu'il existe une vue "juste" du monde - en général
sa propre vue.(P.WATZLAWICK : Changements, p.13)
Revenons à nos moutons d'aujourd'hui. Nous ne voulons
pas dire qu'un visiteur médical peut et doit être capable de vendre
n'importe quoi aux médecins. Nous disons, que, pour être efficace, son
travail a besoin de suivre des stratégies solides, qu'il doit connaître
de puissantes méthodes, qu'il doit maîtriser la relation avec ses clients,
et qu'il n'est pas obligé d'être attaché à son produit.
Nous préférons les visiteurs qui s'attachent à leurs médecins, plutôt
que ceux qui s'attachent à leurs produits.
Quant aux moralistes qui ne manqueront de nous lapider en croyant entendre
ici l'appel à la vente de n'importe quelle drogue, nous ferons remarquer
qu'il n'y a pas de raison qu'un médicament mis sur le marché soit mauvais,
puisqu'il a reçu l'aval des autorités compétentes en la matière.
Donc ce que nous disons ici, c'est que, de deux produits à efficacité
équivalente, le plus vendu sera celui qui aura bénéficié des méthodes
les plus efficaces de communication. Et qu'un visiteur, comme un directeur
du marketing, peut être efficace, sans être obligé de croire à la supériorité
de son produit sur la concurrence.
|
Nos livres
Extrait
1
Extrait 2
Extrait 3
Extrait 4
observatoire médecins
observatoire visiteurs
observatoire cadres
Notre dossier : les laboratoires et leurs clients
Dialogues avec les médecins
Votre site gratuit ? Pourquoi pas ?
La boutique baromedic
Le sondage
d'automne
Qui sommes-nous ?
Combien
ça coûte ?
Sûrement moins que ça ne vous rapportera. Quelques
jours par mois de mon temps.
La valeur d'une prestation se mesure à l'aune de son importance pour
l'utilisateur.
En d'autres termes, c'est vous qui voyez.
Pour plus de détails
sur nos conventions contractuelle, voir la page budgets
Pour plus de détails sur les services.
que je propose.
|